§1. Dépasser le positivisme néo-classique…à la faveur d’une approche en termes de capabilités

À la figure abstraite de l’homo oeconomicus, individu isolé et calculateur, nous avons préféré une conception socialisée des personnes. Cette conception revient à considérer que les actions, et les décisions qui les précèdent, s’inscrivent dans un ensemble de droits et obligations qui les contraint autant qu’il les rend possibles. Adopter cette approche des faits économiques a une implication majeure : rompre avec les hypothèses de l’économie standard9 qui réduisent les modalités de coordination des agents au marché et leur rationalité à l’optimisation (Favereau, 1989). D’un point de vue méthodologique, cette remise en cause est double. Elle porte sur le statut et les visés de la pratique scientifique et sur le statut de la connaissance et ses modes d’appréhension. C’est à partir du constat d’Isabelle Guérin (2000) quant au caractère insatisfaisant des explications apportées par l’économie du bien-être standard aux pratiques monétaires de femmes en situation de précarité, que nous donnons une brève justification de cette remise en cause avant d’en explorer les implications10.

Notes
9.

 L’adjectif standard désigne « tout ce qui, en théorie économique s’appuie, pour sa validité formelle ou son interprétation analytique, sur la théorie de l’équilibre général » (Favereau, 1989, p. 277).

10.

 Notre démarche s’inscrit plus largement à la suite des travaux réalisés au sein de l’équipe organisée autour de Jean-Michel Servet développant une approche compréhensive et incluant systématiquement une dimension qualitative. Parmi les travaux de ce groupe, on notera notamment les thèses de Jérôme Blanc (1998), David Vallat (1999), Isabelle Guérin (2000) et Solène Morvant-Roux (2006) ainsi que celles en cours de Jane Palier et Cyril Fouillet.