Section 5. La mise en œuvre de la méthodologie

La mise en œuvre de notre méthodologie est caractérisée par l’articulation de commandes sociales et de la progression de notre réflexion quant à notre objet d’étude.

§1. Des enquêtes menées dans le cadre de commandes sociales

Les multiples enquêtes de terrain qui alimentent cette thèse ont toutes été ont été commanditées par différentes institutions imprimant systématiquement à leur demande une finalité opérationnelle.

Les premières enquêtes ont été menées dans le cadre de contrats de recherche, passés entre notre laboratoire d’accueil et diverses institutions (Mission recherche de La Poste, Caisse des dépôts et consignations, Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, Bureau international du travail (BIT), Secours Catholique). Ces contrats ont notamment permis d’évaluer l’efficacité ou l’impact de différents types de réponses apportées à l’exclusion bancaire ou d’étudier en profondeur les mécanismes et facettes du phénomène lui-même. Toutefois, aussi spécialisées soient-elles, ces enquêtes ont toujours été définies de manière à permettre d’explorer des dimensions de l’exclusion bancaire en cohérence avec l’avancement de la thèse elle-même. D’une part, la méthodologie mise en œuvre pour ces différentes enquêtes est sinon totalement similaire au moins suffisamment cohérente pour donner accès à une connaissance de qualité homogène pour une analyse transversale. D’autre part, les investigations menées ont souvent été l’occasion de dépasser le seul objectif fixé par le contrat de recherche lui-même afin de mettre à profit les entretiens réalisés en cohérence avec notre grille d’analyse.

Plus largement, une grande partie de nos enquêtes a été menée grâce à la Convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE) signée en 2002 avec la Fédération nationale des caisses d’épargne. Dans ce cadre le doctorant se voit confier une mission de recherche stratégique pour l’entreprise qui constitue également son sujet de thèse. La Fédération nationale des caisses d’épargne ayant de par ses statuts pour mission de lutter contre l’exclusion bancaire dans le cadre de ses Missions d’intérêt général fixées par la loi de sécurité financière du 25 juin 1999, notre objet de recherche a porté sur les modalités de lutte contre l’exclusion bancaire qu’une banque coopérative pourrait mettre en œuvre. C’est dans cet objectif que nous avons donc mené différentes enquêtes et analyses22 pour la Fédération au cours de ces trois années.

Cette convention a été une formidable opportunité car elle nous a non seulement donné accès à des terrains qui nous seraient restés interdits ou seulement partiellement accessibles comme les agences bancaires, mais en plus, nous avons bénéficié tout au long de ces trois années de la confrontation de nos résultats aux attentes et objectifs d’un groupe bancaire. Leur validité et leur opérationnalité ont donc été mises à l’épreuve en permanence et ont bénéficié des remarques et conseils de professionnels bancaires. De plus, notamment parce que cela était également dans l’intérêt de la Fédération, notre champ d’investigation au cours de ces trois années n’a pas été restreint aux actions des Caisses d’épargne mais a porté plus largement sur la diversité des réponses existantes afin d’en tirer des leçons. Cela a permis de conserver une approche globale du phénomène d’exclusion bancaire et donc de nourrir la thèse sans en limiter sa portée.

Si l’un des résultats de la convention devait être d’alimentation les recherches pour la thèse, il était également attendu que la Fédération bénéficie de ces travaux pour satisfaire une mission dite stratégique. De ce point de vue, les travaux menés au cours de ces trois années ont porté sur les caractéristiques que pourrait prendre une réponse globale des Caisses d’épargne à l’exclusion bancaire dont l’une des dimensions était la mise en œuvre d’une structure dédiée complémentaire à la relation bancaire en agence. La réflexion des Caisses d’épargne a donc ainsi été alimentée aboutissant à la création d’une telle structure en 2006 appelée Parcours Confiance. Bien que ses caractéristiques finales aient été définies conjointement par la Fédération nationale des caisses d’épargne, la Caisse nationale des caisses d’épargne et les Caisses régionales l’ayant mise en œuvre, il s’agit en partie d’un résultat opérationnel de nos travaux.

Travailler dans le cadre de commandes sociales contraint le chercheur, qui doit satisfaire les objectifs fixés par les commanditaires avec les moyens et les délais qui lui sont initialement accordés. Toutefois, au moins dans notre cas, il ne faut pas surestimer cette contrainte aussi bien dans le cadre des contrats de recherche que de la convention avec la Fédération nationale des caisses d’épargne. Ainsi, la définition des objectifs et des calendriers des études nous a toujours permis de maintenir des conditions appropriées pour permettre un travail de recherche approfondi.

Surtout, nos différents commanditaires ont intégré la dimension universitaire de nos travaux à la fois comme un atout mais également comme un résultat attendu des enquêtes menées (bien que son ampleur ne soit pas comparable à celle d’un article académique ou d’une thèse). De notre point de vue, ce type de relation a souvent été un avantage car il nous a permis de systématiquement confronter notre outillage conceptuel en construction à sa capacité à expliquer de manière intelligible et opérationnelle les mécanismes sociaux observés. Les différents comités de pilotage accompagnant chacune des différentes enquêtes ont notamment permis d’améliorer nos résultats autant que d’en valider la qualité.

Ces contrats et conventions ont donc alimenté nos sources, sans toutefois altérer la cohérence de notre démarche de recherche. Ils ont même permis de mettre pleinement en œuvres nos principes méthodologiques, en garantissant une progression régulière et interdépendante de nos hypothèses et de notre terrain pendant la période 2001-2008.

Notes
22.

 Certaines ont pris la forme d’un rapport de recherche comme pour l’évaluation de l’activité des agences bancaires en environnement sensible (Gloukoviezoff, 2003), toutefois, la majorité de nos travaux ont seulement donné lieux à des restitutions écrites ou orales au sein de séminaires internes à la Fédération ou externes ainsi qu’à des publications académiques et contributions à des colloques.