4.1. La financiarisation au cœur des conséquences de l’exclusion bancaire

L’exclusion bancaire ne prend sens que dans ses liens avec le processus d’exclusion sociale. Plus précisément, ce sont les liens entre les difficultés bancaires et leurs conséquences sociales qui définissent le phénomène d’exclusion bancaire. En confrontant les apports et limites de la littérature anglo-saxonne sur l’exclusion bancaire avec les travaux de Sen (1993) sur les capabilités, les caractéristiques fondamentales de notre objet d’étude peuvent être définies. En insistant sur le fait que l’appartenance à la société ne se réduit au pas fait de disposer de droits mais implique la possibilité effective de les mettre en œuvre, Sen nous amène à dépasser les premiers travaux sur l’exclusion bancaire pour en proposer une grille de lecture plus complète. Celle-ci considère non seulement les difficultés bancaires d’accès mais également celles d’usage, et les lie systématiquement à leurs conséquences en termes de capabilités. Les différentes composantes de l’exclusion bancaire que sont notamment les problèmes d’accès au compte, aux moyens de paiement scripturaux ou aux crédits de trésorerie et ceux liés aux interdictions bancaires ou au surendettement, peuvent alors être articulées de manière cohérente sans pour autant être confondues (chapitre 1).

Mais pour comprendre pourquoi les difficultés bancaires peuvent conduire à une privation de capabilités, il est indispensable de mettre au jour le cadre institutionnel qui leur octroie une telle importance. Cela passe par une analyse institutionnaliste de la monnaie et de la finance afin d’identifier en quoi la monnaie est une institution essentielle à la cohésion sociale et donc à l’appartenance sociale de chacun, et dans quelle mesure les produits bancaires ont acquis des qualités similaires. C’est l’étude du processus d’intensification de la financiarisation qui apporte ces réponses. Elle montre comment les évolutions du cadre institutionnel français ont progressivement conduit à exprimer l’ensemble des liens sociaux sous forme financière (chapitre 2). Disposant d’une grille de lecture de l’exclusion bancaire en termes de privation de capabilités et d’une compréhension de la place occupée par les produits bancaires au sein de la société, les conséquences des difficultés bancaires au niveau individuel et collectif peuvent alors être analysées. Elle donne a voir d’une part comment les difficultés bancaires interfèrent dans la manière dont les personnes gèrent les différentes sources d’incertitude auxquelles elles sont confrontées mais également dans la manière dont elles mettent en œuvre leur droit et honorent leurs obligations. Elle souligne également les dangers que fait courir une financiarisation animée par une logique individualisante sur les modalités de reproduction et de cohésion de la société (chapitre 3).