4.3. L’inadéquation des objectifs des établissements bancaires et des besoins des clients au cœur des difficultés bancaires

Les caractéristiques de la prestation de services bancaires retenues par les établissements de crédit constituent un ensemble de règles et normes d’accès et d’usage des produits bancaires qui permettent et contraignent la coordination entre clients et banquiers. En privilégiant le recours à la consolidation et donc aux dispositifs techniques (outils de scoring, procédures automatisées en cas d’incident, etc.), les établissements de crédit ne laissent que peu de place à leurs salariés pour saisir la singularité des pratiques bancaires de clients confrontés aux précarités professionnelles, familiales, etc. Ces choix organisationnels peuvent alors être lus comme le transfert de la responsabilité de la réduction de l’incertitude portant sur la qualité de l’outcome aux seuls clients lorsque ceux-ci ne sont pas jugés commercialement intéressants. La complexité des situations des personnes et le caractère inapproprié de leurs pratiques bancaires au regard des règles et normes d’accès et d’usage fixées par les banques expliquent alors en grande partie le développement de difficultés bancaires (chapitre 8).

Ce transfert de responsabilité s’accompagne de la mise en œuvre par les établissements de crédit de stratégies ayant pour objectif de garantir autant que possible la rentabilité des opérations réalisées avec ces personnes lorsqu’elles sont déjà clientes voire de les éviter ou de les faire partir lorsque leur profitabilité est jugée inexistante. La qualité de l’output de la prestation est ainsi préférée à celle de l’outcome pour ces clients. Les caractéristiques de la prestation qui en résultent, ont pour effet d’aggraver les difficultés bancaires notamment en conduisant les clients à adopter en réaction des comportements inappropriés qui réduisent encore les rares possibilités de coordination avec le banquier. Cette analyse démontre notamment en quoi les difficultés d’accès sont expliquées par les difficultés d’usage : chaque partie de la relation tente d’éviter l’autre (difficulté d’accès) lorsque le danger encouru (coût des difficultés d’usage) lui paraît trop important. Il est alors nécessaire de distinguer les établissements bancaires en fonction du rôle de leurs stratégies commerciales dans le développement des difficultés bancaires (chapitre 9).

L’analyse des mécanismes des difficultés bancaires met en perspectives les différents types de réponses apportées, qu’elles en ciblent les conséquences ou leur prévention. Notamment, notre grille de lecture permet de souligner les limites d’une action visant la correction des imperfections du marché et ne portant que sur les éléments extérieurs aux interactions entre clients et banquiers (évolution du taux de l’usure ou fichier positif). Tout en montrant l’intérêt de démarches alternatives qui remettent en question les caractéristiques même de la prestation de services bancaires (les modalités de coordination des clients et des banquiers), elle permet aussi d’en identifier les limites en l’absence d’une évolution du cadre institutionnel. C’est alors la question de la régulation et de ses modalités qui est posée. Il est en effet indispensable d’analyser – à partir des expériences existantes – de quelle manière le cadre institutionnel peut être modifié pour permettre la satisfaction pertinente d’un besoin social indispensable par des établissements marchands aussi divers soient-ils (chapitre 10).