Section 1. Hégémonie de la définition britannique et nécessité de son dépassement

Si Elaine Kempson (1994) s’était déjà penchée sur la question de l’accès des ménages aux comptes courants38 au Royaume-Uni, ce sont Andrew Leyshon et Nigel Thrift qui sont généralement considérés comme les premiers à proposer une définition de l’exclusion bancaire. Pour eux, il s’agit des « processes that serve to prevent certain social groups and individuals from gaining access to the financial system » (1995, p. 314). L’exclusion bancaire est clairement définie au regard des mécanismes qui expliquent l’impossibilité d’accès aux services bancaires. Les auteurs s’intéressent ici aux causes géographiques et physiques de l’exclusion. Il s’agit des stratégies d’établissements bancaires qui se refusent à implanter de nouvelles agences ou ferment celles existant dans les zones géographiques où résident des personnes ou groupes présentant un niveau de risque trop élevé pour être acceptable. Ils évitent ainsi de les avoir parmi leur clientèle.

Si l’éventail des mécanismes à l’œuvre a rapidement été élargi par les travaux suivant, en revanche, l’exclusion bancaire comprise comme « barrière à l’entrée » reste largement partagée. Au point que cette approche principalement britannique fasse l’objet d’un large consensus sans qu’un réel débat scientifique ne se soit développé au préalable (§1). Elle présente pourtant trois faiblesses de taille paraissant suffisantes pour justifier son dépassement : la référence à une structuration du secteur bancaire spécifiquement anglo-saxonne, l’insuffisante prise en compte des difficultés d’usage, et l’absence de lien entre la définition de l’exclusion et les conséquences des difficultés bancaires (§2). Les carences identifiées se traduisent d’ailleurs par le développement de travaux ayant également pour terrain d’application le Royaume-Uni, mais proposant des analyses alternatives. Toutefois, ils ne suffisent pas encore à remettre en cause le consensus initial (§3).

Notes
38.

 Au cours de cette thèse, nous désignons les comptes de dépôt par les expressions alternatives et équivalentes : compte de dépôt, compte courant ou compte bancaire. Nous ne faisons pas de distinction entre le compte de dépôt proposé par la Banque Postale et les autres établissements bancaires sauf mention spécifique.