A. Une définition insuffisamment explicite

Dans aucun des trois rapports, il n’est donné de définition explicite de l’exclusion bancaire. Elle est implicitement considérée comme une absence ou une insuffisance d’accès aux services bancaires. Cette compréhension du terme « exclusion » dans son sens littéral découle sans doute à la fois de l’adoption de la définition de Leyshon et Thrift (1995) et de la feuille de route fixée par le gouvernement britannique – plus précisément par la Social Exclusion Unit – qui fixe pour objectif à la PAT 14 d’apporter une réponse au fait que « many financial services are less accessible for people living in poor neighbourhoods » (nous soulignons) (HM Treasury, 1999, p. 6).

C’est ainsi que dans la majorité des travaux qui suivent, l’exclusion bancaire est comprise comme le fait pour une personne ou un groupe de personnes de ne pas avoir accès ou d’avoir un accès limité aux services bancaires mainstreams (Sinclair, 2001 ; Barr, 2005 ; Carbo et al., 2005 ; Collard, 2005 ; Devlin, 2005). Le dernier terme est essentiel. En effet, sont considérées comme exclues celles qui n’ont pas accès aux services des grandes banques de détail (mainstreams). Par contre, elles peuvent tout à fait recourir aux services des prestataires financiers spécialisés dans l’encaissement de chèque, le prêt sur gage, les avances de jour de paie, etc. qui sont réunis sous le nom de fringe bank ou « banque à la marge ». Ces services sont généralement beaucoup plus coûteux mais restent légaux (même si le manque de connaissance et de choix des personnes ainsi que la multiplication des petites officines permettent le développement de pratiques enfreignant clairement la loi).

C’est ici une spécificité du système anglo-saxon qui ne se retrouve pas dans la grande majorité des pays européens. Dans le cas français, il n’existe pas de fringe bank et l’intégralité des fournisseurs de services bancaires peut être considérée comme mainstream (qu’il s’agisse des banques de détail ou des établissements spécialisés de crédit). Cette différence rend inadaptée la définition retenue de l’exclusion bancaire. En effet, alors qu’au Royaume-Uni les personnes en situation d’exclusion bancaire peuvent recourir à des prestataires alternatifs – bien que plus coûteux et avec des conséquences qui peuvent alimenter le processus d’exclusion sociale – dans la situation française, ne pas avoir accès aux services bancaires mainstreams signifie ne pas avoir de palliatif. Les conséquences ne sont évidemment pas les mêmes.

Intégrer cette différence fondamentale de structuration des secteurs bancaires nationaux invite à reconsidérer le fait de ne se concentrer que sur les difficultés d’accès laissant dans l’ombre ce que nous appelons difficultés d’usage.