C. Une insuffisante articulation avec la problématique d’exclusion sociale

Ce dernier point suppose moins de remettre en cause la prise en compte de l’exclusion bancaire proposée par ces différents rapports que de rendre explicite son articulation avec l’exclusion sociale. Si l’on revient aux travaux pionniers de Leyshon et Thrift (1995), ceux-ci insistent dès l’origine sur la pertinence du concept de « financial citizenship » selon lequel participer pleinement à la société passe également par une forme de citoyenneté financière qui est précisément affectée par le phénomène d’exclusion bancaire.

C’est donc sans surprise que les trois rapports considérés (HM treasury, 1999, Kempson & Whyley, 1999 ; Kempson et al., 2000) et les travaux qui les suivent justifient tous – et ce de manière explicite – l’intérêt porté à l’exclusion bancaire par les conséquences sociales que cela entraîne pour ceux qui y sont confrontés. C’est également pour ce motif que le gouvernement britannique en a fait une priorité nationale, « a new buzzword in Blair’s Britain » (Sinclair, 2001, p. 10). Cependant, cette légitimation de l’intérêt porté à l’exclusion bancaire ne revient pas à la définir en relation directe avec les conséquences des difficultés bancaires.

Cette absence de prise en compte systématique du lien entre difficultés bancaires et conséquences sociales réduit la pertinence de la définition retenue et partant la cohérence des recherches menées. Une illustration en est donnée par l’analyse détaillée de l’exclusion bancaire définie comme « a situation where a proportion of the population have a limited access to mainstream financial services » (p. 75) au Royaume-Uni menée par James Devlin (2005). Se fixant pour objectif d’identifier les variables (niveau de revenu, situation familiale, etc.) exerçant une influence déterminante sur le fait d’être en situation d’exclusion bancaire, il se heurte au fait que certaines personnes ne disposent pas de certains produits bancaires tout simplement parce qu’elles n’en ont pas besoin. Ainsi, en dépit de la définition explicitement adoptée, il indique que « exclusion cannot necessarily be equated with non-usage of a financial service, as certain product types may not be needed by all » (p. 82). Saisir avec pertinence ce qu’est l’exclusion bancaire, implique donc nécessairement de considérer l’existence de besoins insatisfaits et donc les conséquences sociales afférentes.

Schéma 2 : Les limites de la définition britannique de l’exclusion bancaire
Schéma 2 : Les limites de la définition britannique de l’exclusion bancaire

Source : Élaboration personnelle.

Ces faiblesses quant à la définition de l’exclusion bancaire que nous pointons, ne remettent pas en cause les acquis de ces différents travaux en termes d’analyse des mécanismes à l’œuvre. Cependant, elles conduisent à une prise en compte partielle du phénomène étudié ce que des travaux plus récents consacrés aux aspects laissés dans l’ombre jusqu’à présent ont tenté de pallier.