§3. Vers un renouvellement de la définition de l’exclusion bancaire

Si la question des difficultés d’usage a été éclipsée du champ d’analyse de l’exclusion bancaire, elle n’est pas pour autant absente des préoccupations politiques britanniques.

A. Une intégration parallèle et progressive des difficultés d’usage

Alors que la lutte contre l’exclusion bancaire se centre sur les questions d’accès aux services et de barrières à l’entrée, le Secrétariat d’État Britannique à l’éducation et à l’emploi met en place en janvier 2000 le Adult Financial Literacy Advisory Group (AdFLAG) dont l’objectif est de faire des recommandations quant à l’amélioration de la connaissance bancaire et financière47 des particuliers.

En décembre, le rapport de cette commission conclut que « use of and access to financial services raises questions of both supply and demand. There has been much work to begin to address the supply of appropriate products including the Social Exclusion Unit Policy Action Team 14 report. However, people need to be equipped with the skills, knowledge and confidence to ensure they make informed judgements and take effective decisions regarding their own financial circumstances » (AdFLAG, 2000, p. 3).

Il insiste ainsi sur le fait que la lutte contre l’exclusion bancaire passe également par la capacité des personnes à tirer le meilleur parti possible de l’information disponible. Pour cela, il ne suffit pas seulement d’en diffuser d’avantage mais il est nécessaire de la rendre compréhensible. Autrement dit, il s’agit d’accroître l’utilité de ces informations pour les clients en augmentant leur niveau de connaissance bancaire (leurs capacités cognitives) ainsi qu’en favorisant la confiance qu’ils ont dans ces produits, mais également en développant la disponibilité de conseils appropriés.

Également dans le but de lutter plus efficacement contre l’exclusion bancaire, Sue Regan et Will Paxton (2003) proposent un renouvellement d’approche qu’ils qualifient de « broad and deep formulation » (p. 7), seul à même de faire comprendre aux décideurs publics et bancaires tout l’enjeu de ce phénomène. Pour eux, la largeur (broad) de l’exclusion bancaire porte sur l’éventail des services bancaires appropriés accessibles, et sa profondeur (deep) concerne la capacité (les compétences, la confiance, l’opportunité, etc.) des personnes à utiliser ces services de manière adéquate au regard de leur situation. Les questions de l’accès et de l’usage sont clairement considérées simultanément.

« This approach, which stresses the importance of both the breadth and depth of the concept of financial exclusion, leads to a clear working definition of financial inclusion. […] Financial inclusion is when citizens have access to appropriate financial products and services and the opportunity, ability and confidence (and appropriate support and advice) to make informed decisions about their financial circumstances, as would be regarded as a minimum to organise their finances in society effectively » (p. 8).

Que ce soit le rapport de l’AdFLAG ou les travaux de Regan et Paxton, la place à part entière qu’ils donnent aux difficultés d’usage et à leurs causes (manque de connaissances bancaires de base, méfiance à l’égard des produits bancaires, insuffisance de conseils, etc.) tient aux contraintes opérationnelles de la lutte contre l’exclusion bancaire. C’est d’ailleurs de ce point de vue que les résultats sont les plus probants car sur un plan analytique, le principal tient au passage du vocable d’exclusion bancaire à celui d’inclusion bancaire.

Notes
47.

 Nous traduisons « financial literacy » par « connaissance bancaire et financière » moins connoté que « alphabétisation bancaire et financière ».