L’exclusion bancaire n’a pas connu en France un engouement des chercheurs similaire à celui existant au Royaume-Uni. La quasi-totalité des études menées porte ainsi sur certains aspects de l’exclusion bancaire. C’est parfois la question de l’accès aux services bancaires d’un public précis qui est analysée, le plus souvent les allocataires de minima sociaux (Daniel & Simon, 2001 ; Gloukoviezoff & Monrose, 2004). La clef d’entrée peut également être un dispositif légal lié aux difficultés bancaires comme l’interdiction bancaire (Gallou & Le Quéau, 1999) ou le surendettement (Banque de France, 2002 et 2005). Enfin, ce sont parfois les pratiques spécifiques de certains établissements bancaires qui sont interrogées comme celles de La Poste (à présent Banque Postale) (Gadrey, 1998 ; Blandin & Du Tertre, 2001 ; Sagna, 2003 ; Tasqué, 2005) ou des banques coopératives (Gloukoviezoff, 2003 ; Rousseau, 2005 ; Richez-Battesti et al., 2006).
Une illustration de la fragmentation de la prise en compte scientifique de l’exclusion bancaire est donnée par le 58ème numéro de la Revue d’économie financière paru en 2000 et explicitement consacré à cette thématique. Les auteurs interrogent certains points précis composant, selon nous, le processus d’exclusion bancaire alors même qu’aucune définition n’est explicitement retenue. Là encore, la thématique de l’absence ou l’insuffisance d’accès semble s’imposer d’elle-même en dépit des efforts de précision de certains auteurs56. Pour autant, cela n’empêche pas que soient largement détaillées les questions liées notamment au surendettement qui dépasse le cadre étroit de l’accès au crédit.
Cette absence de questionnement autour de la définition de l’exclusion bancaire est encore plus criante si l’on se penche sur la seule étude quantitative consacrée explicitement à cette question en France (Daniel & Simon, 2001)57. Cette étude du Crédoc, dont les conclusions très discutables sont l’absence d’exclusion bancaire en France58, ne donne à aucun moment de définition explicite. Pourtant, le travail réalisé est extrêmement poussé tant en matière d’accès aux différents types de produits bancaires que d’usage de ces mêmes produits. Il semble donc que l’on trouve en France une difficulté similaire à celle britannique qui assimile très généralement et sans démonstration « exclusion bancaire » à « absence ou insuffisance d’accès aux produits bancaires ».
Servet (2000) pose les termes du débat en identifiant trois formes d’exclusion bancaire (la stigmatisation, la mise à l’écart, la marginalisation économique) sur lesquelles nous reviendrons par la suite mais ne donne pas de définition explicite de ce phénomène. Il indique en revanche que « l’exclusion bancaire, au sens de l’accès limité à certains types de moyens modernes de paiement ou de règlement par exemple, n’est qu’un élément d’un ensemble plus vaste au sein duquel les processus d’exclusion et de marginalisation d’ordre financier peuvent être cumulatifs » (p. 20).
Cette étude porte spécifiquement sur la situation des allocataires de minima sociaux. Cependant, pour permettre la comparaison, la situation de l’ensemble de la population a également été prise en compte. Ces données « indirectes » sont à ce jour les seules disponibles si l’on omet l’Eurobaromètre européen qui s’apparente davantage à un sondage qu’à une véritable enquête.
Pour une critique de cette étude voir Servet (2002).