B. Une approche originale fruit d’un travail collectif

Alors qu’au Royaume-Uni, le principal centre de recherche consacré à cette question abonde dans ce sens, il n’en va de même en France. Le Centre Walras (Université Lumière Lyon 2)59 se distingue en effet par les conceptualisations proposées de l’exclusion financière et bien sûr de l’exclusion bancaire, conceptualisations autour desquelles s’articulent les débats scientifiques et politiques (Gouguet & Jarry, 2004 ; Lazuech & Moulévrier, 2004 ; Pastré, 2006).

Si la définition que nous proposons dépasse la seule question de l’accès, outre bien évidemment les résultats de nos enquêtes, c’est également en raison de notre sensibilisation à la question plus vaste du lien financier développée au sein du Centre Walras. En effet, la diversité des thématiques abordées et discutées collectivement (qu’il s’agisse de l’usage de monnaies sociales (Servet et al., 1999), de la microcréation d’entreprise ou des pratiques d’épargne et de prêt collectif en Afrique60) nous a permis d’éviter de considérer comme acquise l’assimilation entre exclusion bancaire et difficultés d’accès.

Notamment, l’analyse de Servet (2000, 2006)61 des différentes formes d’exclusion bancaire met davantage l’accent sur l’importance des conséquences sociales des difficultés bancaires. Il identifie ainsi quatre formes principales : la discrimination, la stigmatisation, la marginalisation économique et sociale, et la vulnérabilité accrue face aux risques. Si la première est explicitement une cause de difficultés bancaires résultant principalement « d’une action volontaire de bannissement par les institutions financières » (2006, p. 67), les trois autres correspondent à des conséquences. Elles touchent respectivement à la mise en cause de l’estime de soi, de la possibilité de prendre part à la société, et de la possibilité de faire face aux aléas de la vie en mobilisant les différents produits bancaires.

En complément de ces apports, les bases de notre définition de l’exclusion bancaire ont alors été posées à partir d’une étude menée sur l’amélioration des relations entre les établissements bancaires et leur clientèle en difficultés (Gloukoviezoff & Guérin, 2002a). Elle a permis de mettre en évidence qu’avoir accès aux produits bancaires n’était pas synonyme d’absence de difficultés bien au contraire. C’est dans cette étude que la définition de l’exclusion financière du Centre Walras est pour la première fois formulée : « Une personne se trouve en situation d’exclusion bancaire et financière lorsqu’elle subit un degré d’entrave dans ses pratiques bancaires et financières, qui ne lui permet plus de mener une vie sociale normale dans la société qui est la sienne » (Gloukoviezoff & Guérin, 2002a, p. 4).

Notes
59.

 Le Centre Walras a disparu en tant que centre de recherche universitaire fin 2004, une partie des recherches qui étaient menées connaît une certaine continuité au sein du Laboratoire d’économie de la firme et des institutions (LEFI) (Université Lumière Lyon 2.) ainsi qu’au sein de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et de l’Institut universitaire d’étude du développement (IUED) en s’orientant pour l’essentiel vers les pays du Sud.

60.

Sur ces points voir les différents rapports Exclusion et liens financiers qui ont été publiés par le Centre Walras.

61.

 Servet (2000, 2006) se place dans un cadre plus large que la seule exclusion bancaire dans la mesure où il considère également les produits d’assurance.