§2. Construction de notre grille de lecture

Servet (2004, 2006) propose selon nous la grille de lecture de la financiarisation la plus complète¹¹¹. Par financiarisation, ou plus précisément intensification de la financiarisation des rapports sociaux, Servet désigne « un ensemble de contraintes à l’emploi des moyens de paiement et de règlement et au recours au crédit et à la protection contre les risques, contraintes qui agissent de façon différentes, directe ou indirecte, tant au Nord qu’au Sud. Elles s’imposent individuellement aux personnes et aux entreprises, et collectivement aux groupes sociaux » (2006, pp. 38-39). Ces contraintes agissent sur la cohésion sociale et sur les modalités de reproduction des sociétés. La financiarisation correspond donc aux évolutions connues par l’ordre monétaire au sein des sociétés marchandes, autrement dit aux évolutions des formes de l’institution monétaire au sein de ces sociétés.

Servet distingue quatre formes : la monétarisation des dépenses en est la forme élémentaire ; l’intensification de l’intermédiation des moyens de paiement, de l’épargne et des prêts, ainsi que l’évolution des modalités de protection sociale et contre les risques en sont les deux vecteurs principaux ; enfin la dernière forme en est la conséquence et correspond à « l’essor d’une économie de placements et de spéculations » (Servet, 2006, p. 40).

Avant de décrire plus précisément ce que recouvrent ces différentes formes (§3), il nous semble nécessaire d’apporter deux modifications à la grille de lecture proposée. Il ne s’agit pas de transformations radicales, néanmoins, les changements sont suffisamment significatifs pour que nous prenions le temps de les énoncer et de les justifier. Ils interviennent à deux niveaux et correspondent en partie à la mise à jour d’éléments implicites chez Servet. La première modification porte sur le découpage des différents stades. La seconde concerne la distinction entre diffusion des outils et logiques à l’œuvre.