A. Redéfinition du périmètre des différentes formes de la financiarisation

Par rapport au découpage précédent, la monétarisation (forme 1) reste inchangée. Nos modifications interviennent principalement sur les deuxième et troisième formes. Il nous semble en effet plus fructueux de déplacer le crédit et l’épargne de la forme portant sur l’intermédiation (forme 2) à celle portant sur les formes de protection sociale et contre les risques (forme 3). Bien que léger, ce changement n’est pas cosmétique car il modifie les « champs » sur lesquels portent ces deux formes.

Le crédit et l’épargne déplacés, la deuxième forme correspond à une évolution de la monétarisation portant sur les modalités de conservation (compte de dépôt) et de mise en circulation de la monnaie (moyens de paiement). Elle souligne l’intervention de l’intermédiaire bancaire entre l’origine des ressources (emploi, prestations sociales, etc.) et leur destination (dépenses).

Le crédit et l’épargne intégrés à la troisième forme, deux effets sont obtenus. D’une part, cela rend la prise en compte de l’évolution des modalités de protection plus complète dans la mesure où ils y participent tous deux. D’autre part, cela permet d’élargir cette dimension de la protection à la promotion c'est-à-dire aux moyens de financement pour réaliser un projet ou satisfaire un besoin pour lesquels les seules ressources monétaires disponibles ne suffisent pas112.

Ce redécoupage rend plus claires les évolutions connues par ce qui est de l’ordre de la conservation et de l’utilisation de la monnaie détenue (forme 2), et par ce qui est l’ordre de la dette ou du lien financier pour satisfaire les besoins de protection et de promotion113 (forme 3).

Quant à la quatrième forme de la financiarisation, nous la reprenons telle que la définit Servet. La montée des spéculations (forme 4) correspond à la fois à une évolution des modalités de protection (retraite par capitalisation) et de promotion (entreprise se finançant directement sur les marchés financiers). Elle modifie également les modalités de détention de l’épargne (placements boursiers) et potentiellement, si les prédictions théoriques des tenants du free banking se réalisent, les modes de paiement.

Tableau 8 : Les formes de la financiarisation
Formes de la financiarisation Description
Monétarisation (forme 1) Contraintes à l’emploi de monnaie pour satisfaire un nombre croissant de besoins entendus au sens large
Intermédiation des modalités de conservation et de mise en circulation de la monnaie (forme 2) Contraintes à l’emploi d’instruments bancaires pour l’emploi de la monnaie (compte de dépôt et moyens scripturaux de paiement)
Financiarisation des modalités de protection et de promotion (forme 3) Contraintes à l’emploi d’instruments financiers pour répondre aux besoins de promotion et de protection (épargne, crédit, assurances, systèmes de protection étatiques, etc.)
Montée des spéculations (forme 4) Contraintes à l’emploi d’instruments basés sur les marchés financiers (placements boursiers sous toutes leurs formes)

Source : Élaboration personnelle.

L’articulation entre ces quatre formes est inchangée. La forme 1 est un préalable indispensable. Les formes 2 et 3 peuvent se développer indépendamment l’une de l’autre, néanmoins, elles entretiennent des liens étroits et se renforcent l’une l’autre. Enfin, la forme 4 découle des précédentes. Le développement d’une nouvelle forme n’interrompt pas celui de la ou des précédentes. Le schéma 4 donne à voir cet enchaînement.

Schéma 4 : Articulation des différentes formes de financiarisation
Schéma 4 : Articulation des différentes formes de financiarisation

Source : Élaboration personnelle.

Notes
112.

 Concernant l’épargne, ce dernier point est un petit peu plus ambigu dans la mesure où l’argent est effectivement disponible. Toutefois, il s’agit tout de même d’une forme de budgétisation particulière par laquelle ces ressources sont soustraites à la consommation habituelle et mises de côté précisément pour ce type de situation. C’et une forme archaïque d’auto-assurance.

113.

Nous empruntons cette distinction à Jean Drèze et Amartya Sen (1989), distinction que nous réutiliserons au sein de la deuxième partie de cette thèse pour définir l’objet de la prestation de services bancaires.