A. Les balbutiements du crédit de trésorerie

Le premier véritable rapport entre clientèle populaire et institution de crédit est à rechercher du côté des monts-de-piété. Si le premier établissement français de ce type date de 1577, c’est en 1777 que l’autorité politique, Louis XVI, crée par lettre patente le mont-de-piété de Paris « pour soulager les sujets du Roy dans leurs affaires domestiques et pour assister les négociants afin qu’ils puissent éviter la honte et le dommage des saisies » (cité par Gelpi & Juilen‑Labruyère, 1994, p. 164). Cette finalité de secours est réaffirmée par la loi du 6 février 1804 dont le but premier est de prévenir l’usure mais qui attribue surtout, officiellement, l’exclusivité de l’activité de prêt sur gage aux établissements autorisés à condition qu’ils ne le fassent qu’au bénéfice des pauvres. Tel qu’il est pensé et promu, ce type de crédit est donc destiné à permettre aux démunis de faire face aux aléas de la vie par eux-mêmes.

Cependant, les classes populaires ne sont pas les seules à solliciter les services des monts-de-piété. Les commerçants et petits industriels sont nombreux à y recourir pour de petites sommes qu’il ne serait possible d’obtenir par l’intermédiaire d’un prêt bancaire, d’autant plus que le fait de s’endetter reste extrêmement mal vu à cette époque. C’est donc officiellement autour de ces établissements que s’organise tout au long du XIXe siècle l’accès au crédit des particuliers. Mais à leur côté existe tout un ensemble de possibilités auxquelles recourent les particuliers : usuriers, dettes chez les commerçants124, et même prêts accordés par de riches paysans (Bonin, 1989).

Parallèlement à ce mouvement, il faut également souligner que se développent à partir de la fin du XIXe siècle, les prémisses de ce qui sera le crédit à la consommation dans un but d’équipement : la vente par abonnement (Gelpi & Julien-Labruyère, 1994 ; Chatriot, 2006). Il s’agit d’une forme de crédit où le client paie le quart de l’achat à effectuer et rembourse le reste par mensualités. Cette méthode se diffuse progressivement au sein des grands magasins, toutefois, c’est après guerre que les véritables bases du crédit à la consommation sont posées avec les débuts de la diffusion de l’automobile. En raison de leur coût extrêmement élevé, Citroën en 1919, Renault en 1924 et Peugeot en 1928 créent leur propre société dédiée de crédit en partenariat avec un établissement bancaire. En 1939, le quart des voitures est ainsi acheté à crédit.

Notes
124.

« Carnet chez l’épicier, l’ardoise chez l’aubergiste ou la double encoche chez le boulanger » (Gelpi & Julien-Labruyère, 1994, p. 181)