B. La mise en péril de la cohésion sociale par l’aggravation des inégalités sociales

Le second type de conséquences porte sur la mise en péril de la cohésion sociale en aggravant les inégalités sociales. La logique est relativement simple : partant du principe que les inégalités liées aux catégories sociales, à l’âge, au genre, à l’ethnie, au lieu de résidence, etc., ont des conséquences économiques concrètes (probabilité plus grande d’être au chômage, d’avoir un niveau de salaire faible, d’être malade, etc.), les conditions d’accès et d’usage proposées par les établissements bancaires sont en partie le reflet de ces inégalités. Ainsi, une femme maghrébine, mère célibataire, au chômage et vivant dans une zone urbaine sensible ne se verra pas proposer les mêmes conditions qu’un jeune homme caucasien, marié, cadre et vivant en centre ville à Paris. Il s’agit là des conséquences de l’évaluation de leur lifetime value : tous deux ne présentent pas le même potentiel économique aux yeux de l’établissement bancaire.

Il en découle que les personnes déjà victimes d’un certain nombre d’inégalités, se voient en plus interdire l’accès à certains produits bancaires ou alors doivent recourir à ceux étant le plus coûteux. Leurs capabilités sont donc réduites par l’évaluation que fait la banque de leurs potentialités économiques. Ce sont alors des groupes sociaux entiers qui se voient pénalisés en raison des handicaps qu’ils subissent par ailleurs.

Le rôle joué par les établissements bancaires relativement aux inégalités est très similaire à celui qu’ils jouent en cas de rupture. La rentabilité des banques dépendant de leur habileté à ne pas s’exposer aux risques, elles ont tout intérêt à se dégager des situations dont le niveau de risque s’élève ou au moins à proposer des conditions qui permettent de maintenir la rentabilité de la relation. Ainsi, une personne perdant son emploi se verra-t-elle proposer des conditions de crédit plus coûteuses ou pourra moins facilement négocier les frais facturés en cas d’incident. La banque exerce alors une influence pro-cyclique réduisant encore davantage les capabilités des personnes concernées.

Que ce soit en matière de difficultés structurelles (les inégalités ) ou conjoncturelle (les ruptures), les pratiques des établissements bancaires auront pour conséquences d’aggraver les situations. Ce sont ceux qui font face individuellement ou collectivement aux plus grandes difficultés qui se voient tenus le plus à distance des outils bancaires qui pourraient pourtant leur permettre de les dépasser. C’est là tout le danger de la régulation marchande d’un secteur dont les produits assurent de manière croissante la protection et la promotion des membres de la société. Ces tendances peuvent mettre en péril la cohésion sociale car elles exacerbent le sentiment d’injustice que ressentent ceux qui sont confrontés à ces difficultés. Il est d’ailleurs révélateur qu’au lendemain des émeutes urbaines de novembre 2005, le président Chirac ait appelé les établissements bancaires à investir les banlieues et à prêter davantage à leurs habitants pour leur donner les moyens de participer à la société.