A. L’asymétrie d’informationex ante et sélection adverse

Très proches de la logique de George Akerlof (1970) lorsqu’il étudie les effets de l’asymétrie d’informationex ante sur le marché des voitures d’occasion174, Stiglitz et Weiss mettent en évidence, l’inefficacité du taux d’intérêt pour réguler le marché du crédit.

Les emprunteurs forment un groupe hétérogène dans la mesure où ils n’ont pas tous la même probabilité de remboursement du prêt. Certains sont donc plus risqués que d’autres mais cette information, supposée connue des emprunteurs, n’est pas accessible aux prêteurs, expliquant ainsi l’existence d’une asymétrie d’informationex ante.

En revanche, les prêteurs savent que s’ils augmentent le taux d’intérêt face à un accroissement de la demande de crédit (ajustement classique par les prix), ils ne retiendront que les projets les plus risqués. En effet, escomptant une rentabilité élevée de leur investissement par leur prise de risques, ces emprunteurs peuvent accepter un taux plus élevé que ceux, prudents, qui s’attendent à une rentabilité plus faible. En augmentant leur taux d’intérêt, les prêteurs s’exposent ainsi au risque de sélection adverse.

Stiglitz et Weiss expliquent ainsi qu’il existe un taux d’intérêt d’équilibre qui maximise le rendement espéré d’un prêt pour le prêteur. Jusqu’à ce taux, la rentabilité du prêt augmente de moins en moins vite et décroît même au-delà. Face à un excès de demande de crédit, les prêteurs n’auront pas intérêt à augmenter leur taux d’intérêt au-delà de ce taux d’équilibre entraînant un rationnement indifférencié (les prêteurs ne peuvent distinguer les risques élevés des risques faibles) des demandes supplémentaires. Mais les auteurs mettent également en lumière l’existence d’effets perturbateurs une fois le crédit octroyé.

Notes
174.

 Dans son article fondateur, Akerlof (1970) étudie les conséquences de l’inégale répartition de l’information relative à la qualité d’un bien entre les différentes parties prenantes de la transaction. En prenant l’exemple du marché des voitures d’occasion (marché des lemons), où deux catégories de qualité existent (les voitures sont de bonne ou de mauvaise qualité), il montre que le fait pour les acheteurs de ne pas avoir accès à l’information sur cette qualité peut empêcher l’échange et faire disparaître le marché. L’asymétrie d’information (seuls les vendeurs connaissent la qualité du véhicule avec certitude) fait perdre aux prix leurs vertus informatives car sous un même prix peuvent se cacher les deux qualités différentes.

La logique du modèle est la suivante. Les acheteurs ont seulement connaissance (mais c’est une hypothèse forte) de la répartition des deux types de qualité sur le marché. Dès lors, pour éviter de payer trop cher une voiture de mauvaise qualité, ils vont proposer aux vendeurs un prix moyen. Ce prix correspond à la moyenne des deux prix qu’ils auraient payés – avec une information parfaite – pour chacune des deux qualités, prix pondérés par la probabilité d’obtenir chacune de ces qualités sur ce marché. Le risque est que ce prix moyen soit insuffisant pour que les vendeurs de voitures de bonne qualité acceptent de se dessaisir de leur bien. Ces derniers seront donc enclins à sortir du marché laissant les acheteurs aux prises avec les seuls vendeurs de voitures de mauvaise qualité. L’asymétrie d’informationex ante entraîne donc un phénomène de sélection adverse qui met le marché en échec.