A. Caractéristiques de l’offre et sélection adverse

Le point essentiel du modèle de Stiglitz et Weiss est que l’augmentation du niveau du taux d’intérêt a pour effet d’attirer des emprunteurs plus risqués au détriment de ceux qui le sont moins, réduisant du même coup l’espérance de profit du prêteur. Retenant l’hypothèse selon laquelle il ne dispose pas de moyens lui permettant de sélectionner les emprunteurs, il lui faut définir les caractéristiques (taux d’intérêt – collatéraux) qui maximisent son profit espéré et rationner la demande supplémentaire.

Lawrence Ausubel (1999) s’intéressant aux offres pré-approuvées de cartes de crédit à la consommation aux États-Unis, montre que l’on observe empiriquement un phénomène de sélection adverse. En effet, les offres présentant les caractéristiques les moins intéressantes (taux élevés principalement) sont acceptées par une population proportionnellement plus risquée que celles présentant des conditions plus favorables (les différents types d’offre étant envoyés à des populations homogènes dont les niveaux de risque sont préalablement connus).

Si l’on constate bien un retrait des emprunteurs peu risqués lorsque les conditions de l’offre de crédit se dégradent, il reste cependant à comprendre pourquoi ceux plus risqués restent. Pour Stiglitz et Weiss, c’est leur espérance de retour sur investissement plus élevée qui l’explique, sachant de plus que les emprunteurs connaissent parfaitement leur niveau de risque. Dans le cas des cartes de crédit à la consommation, il nous semble que cette explication perd beaucoup de sa pertinence. Il est en effet très peu probable que les emprunteurs risqués parviennent à faire un usage de leur crédit à la consommation qui leur assure des rentrées d’argent plus élevées que celles obtenues par des emprunteurs moins risqués.

En mettant en lumière l’existence d’un mécanisme de sélection adverse en matière de crédit, Stiglitz et Weiss ont ouvert une voie de recherche fructueuse en matière de définition des caractéristiques optimales de l’offre pour attirer la clientèle désirée, ainsi qu’en matière de recherche de moyen de sélection de la clientèle. Cependant, les raisons qu’ils retiennent pour expliquer que les emprunteurs plus risqués acceptent des conditions moins favorables que ceux moins risqués demandent à être rediscutées tant elles sont dépendantes des hypothèses retenues. En matière de crédit à la consommation, on peut notamment questionner l’hypothèse selon laquelle l’emprunteur a connaissance de son niveau de risque et est à même d’évaluer correctement la qualité de l’offre.