B. Les contrats incitatifs

Bien que se situant dans un cadre d’asymétrie d’informationex ante, Stiglitz et Weiss (1983) montrent que la menace de non-renouvellement des crédits en cas de non-remboursement du prêt permet de limiter l’intensité du rationnement. En effet, cette menace incite l’emprunteur à respecter ses engagements afin de maintenir son accès au crédit et donc d’éviter d’être rationné. Joseph Haubrich (1989) complète cette analyse en montrant que, grâce aux informations passées dont la banque dispose sur l’emprunteur, elle peut élaborer un test statistique lui permettant de surveiller le rendement réel de l’investissement (important pour elle lorsque le remboursement n’est pas forfaitaire). Elle peut alors pénaliser l’emprunteur (réduction provisoire de la ligne de crédit, taux de pénalité, etc.) lorsque celui-ci annonce des résultats erronés.

Ainsi, que ce soit pour Stiglitz et Weiss (1983) ou Haubrich (1989), l’inscription des contrats incitatifs dans la durée permet de réduire le coût de la vérification de l’information et d’accroître les effets des dispositifs incitatifs mis en place.

Toutefois, Dorothée Rivaud-Danset (1996) souligne que cette approche repose sur des hypothèses particulièrement fortes : que les emprunteurs ne puissent s’adresser à un autre financeur et surtout qu’ils aient une préférence pour le présent quasiment nulle. En effet, c’est la certitude de ne plus avoir accès au crédit dans le futur en raison de l’efficacité du contrôle réalisé par la banque, qui définit le comportement présent adopté. Ainsi, à la suite d’Olivier Favereau (1989), elle explique que « le contrat incitatif suppose que la séquence environnement-action-résultat puisse se résumer à la séquence environnement-résultat. L’action est conçue comme postérieure aux objectifs, elle est subordonnée consciemment à la connaissance des buts et des résultats futurs. C’est le temps du calcul ex ante et du projet qui suppose que la rationalité des agents soit parfaitement intentionnelle et que leur clairvoyance puisse, si le terme est éloigné, être extrême » (Rivaud-Danset, 1996, p. 943). L’action de l’autre n’a donc pas besoin d’être pensée. À l’instar des loteries où le résultat est évalué indépendamment « du comportement des joueurs, le résultat peut être traité indépendamment de la qualité de l’emprunteur et de sa conduite » (Rivaud-Danset, 1996, p. 943). De telles hypothèses s’avèrent incroyablement préjudiciables pour l’analyse des mécanismes explicatifs des difficultés bancaires tant les actions des différentes parties prenantes de la relation jouent un rôle essentiel sur sa qualité.