§2. Prestation de services bancaires et nature du produit

Comprendre la nature du « produit » de la prestation de services bancaires suppose au préalable de donner un sens précis et appliqué aux composantes de la définition générale proposée par Gadrey (1996).

A. L’objet de la prestation : réalité S et capacités techniques et humaines

Les banques étant parfois présentées comme des « commerces d’argent », il est tentant de considérer « l’argent » comme la raison d’être de la prestation. Ce serait faire fausse route. Si la réalité S qu’apporte le client au prestataire bancaire est bien exprimée sous forme monétaire, elle correspond en réalité aux besoins financiarisés qu’il souhaite satisfaire. La prestation de services bancaires peut ainsi prendre la forme de la mise en paiement des factures d’eau et de téléphone grâce à un prélèvement automatique, de la perception d’un remboursement de Sécurité sociale ou bien du financement de l’achat d’un bien immobilier grâce à un crédit.

La réalité S sur laquelle intervient le prestataire bancaire comprend l’ensemble de ces besoins financiarisés. Elle s’apparente donc pour nous au budget du client, c'est-à-dire à l’ensemble des stocks et flux financiers, présents et à venir, qui composent les différentes facettes de sa vie (professionnelle, familiale, amicale, etc.). Si nous préférons considérer le budget plutôt que la monnaie comme réalité S, c’est précisément car il est indispensable de prendre en compte ces différents éléments interdépendants et ce qu’ils représentent pour le client, pour pouvoir évaluer les effets utiles de la prestation bancaire. C’est uniquement de cette manière qu’il est possible de saisir la singularité des besoins des clients : si le budget obéit à des règles comptables (en équilibre ou pas, etc.), il n’en demeure pas moins que les priorités et orientations définies dépendent également des désirs et représentations de chaque client ainsi que de l’enchevêtrement de droits et d’obligations au sein duquel ils évoluent.

En faisant du budget la raison d’être de la prestation nous provoquons une première rupture avec les modèles de l’économie bancaire. Alors que le crédit y est considéré comme l’objet de l’échange entre le client et la banque, il devient à présent un outil pour produire des effets utiles sur le budget de l’emprunteur : par exemple lui permettre de supporter une dépense imprévue. Les produits bancaires que sont les comptes, moyens de paiement scripturaux, crédits, etc., ne sont en fait que des « quasi-produits ». Selon la terminologie utilisée dans la définition de Gadrey, ils correspondent aux capacités techniques que le prestataire bancaire met à disposition de ses clients tandis que les salariés s’apparentent aux capacités humaines.

La prestation de services bancaires correspond donc à la mise à disposition par la banque de ses « quasi-produits » (capacités techniques) et de ses salariés (compétences) pour produire des effets utiles sur le budget de son client permettant ainsi de répondre à ses besoins singuliers. Il est à présent nécessaire de préciser ce que recouvre cette mise à disposition, c'est-à-dire l’opération portant sur la réalité S, et quels sont les effets utiles attendus.