C. Les effets utiles de la prestation ou outcome

Alors que l’économie bancaire assimile le résultat de la relation de crédit à une compréhension restrictive de l’output (le fait d’accorder un crédit), une analyse en terme de prestation de services bancaires suppose de considérer également l’outcome, c'est-à-dire les effets utiles de la prestation. Il s’agit alors de considérer la satisfaction des besoins du client.

Cet enrichissement ne va pas sans mal car l’outcome se prête encore moins que l’output à une représentation en termes de « produit ». « Il s’évalue selon des critères techniques, sociaux et financiers. Et, surtout, il dépend, beaucoup plus encore que le produit immédiat [(output)], des caractéristiques [du client] et de sa capacité à tirer bénéfice du service immédiat [(capacités techniques et humaines du prestataire)], ainsi que de variables d’environnement de [la réalité S] et de son usage » (Gadrey, 2003, p. 71). Ainsi, tout comme l’output, l’outcome résulte des interactions entre banquier et client bien que le rôle du second soit ici prédominant.

Définir les outcomes de la prestation de services bancaires pour le client revient à s’interroger sur les besoins financiarisés pouvant être satisfaits par le recours aux capacités techniques et humaines des prestataires bancaires. Selon nous, trois effets utiles de la prestation de services bancaires peuvent être identifiés206 :

  1. La conservation et la mise en circulation des ressources monétaires.
  2. La protection contre les aléas de la vie (faire face à un besoin financier urgent ou imprévu).
  3. La promotion, c'est-à-dire l’amélioration de la situation de la personne grâce au financement d’un projet (il peut aussi bien s’agir de l’achat d’un véhicule que du financement des études ou de l’acquisition d’un logement)La distinction entre effets de protection et de promotion est inspirée des travaux de Drèze et Sen (1989)..

Là encore, aucun de ces effets utiles ne se confond avec un « quasi-produit » particulier. Chacun d’entre eux208 peut contribuer à l’obtention de ces effets. Le compte de dépôt permet évidemment la conservation des ressources monétaires mais, par le découvert qui y est attaché, il peut permettre la protection contre les aléas de la vie. De même que l’épargne peut à la fois être un moyen de protection contre ces aléas ou de financement d’un projet.

Concernant l’outcome pour le prestataire, une grille des possibles élaborée par Gadrey (1996) pour élargir les modalités de prise en compte de la performance bancaire (spécifiquement appliquée au cas de La Poste) avait notamment retenu la fidélité du client à l’entreprise ou à certains agents et l’établissement d’une confiance réciproque. Ces effets indirects sont tout sauf anecdotiques lorsque l’on considère les stratégies commerciales des banques. Soumises à une pression concurrentielle accrue, les banques ont aujourd’hui pour objectif premier la fidélisation des clients commercialement intéressants (Cusin, 2004, 2005). Ainsi, assimiler l’outcome de la prestation de service bancaire pour le prestataire à la fidélité du client est implicitement, mais indiscutablement, lié à la rentabilité dans la durée de la relation établie avec le client.

Notes
206.

 Pour cela nous nous appuyons sur les travaux de Rogaly et al. (1999), de Cruickshank (2000), et de Sinclair (2001).

208.

 Il est évident que les produits d’assurance permettent également d’atteindre ces objectifs, cependant ils n’entrent pas dans notre champ d’étude qui est centré sur les produits bancaires.