B. L’incertitude sur la qualité de l’outcome… n’existe pas

Pour les modèles de l’économie bancaire, la qualité de l’outcome n’est une source d’incertitude ni pour le prêteur, ni pour l’emprunteur.

Alors qu’elle est un enjeu important pour la banque dans la mesure où elle investit dans la construction d’une information singulière, la question de la rentabilité de la relation dans la durée n’est pas une source d’incertitude en raison des hypothèses comportementales retenues. Dans la mesure où la banque est assurée de pouvoir proposer des conditions personnalisées à l’emprunteur par l’information obtenue lors du premier prêt, et que, par hypothèse, celui-ci cherche à maximiser ses conditions d’emprunts, sa fidélité découle inéluctablement des hypothèses de départ.

Quant au client, face à une offre de prêt émanant de la banque, il n’est confronté à aucune incertitude. En raison notamment de l’hypothèse faite sur le sens de l’asymétrie d’information, il est supposé tout à fait capable d’évaluer la qualité du crédit proposé, la contractualisation n’étant alors que l’expression que, de son point de vue, il est de bonne qualité. Cette hypothèse est contestée par Nicolas Eber (2000) pour qui elle « pourrait sans doute être renversée, dans la mesure où les banques grâce à leur expérience et leur connaissance du monde des affaires, sont parfois plus à même d’évaluer le risque d’un client que le client lui-même ! » (p. 95).

Les foyers d’incertitude considérés par l’économie bancaire (et repris par les travaux de sociologie présentés) sont des foyers d’incertitude pertinents. Savoir si l’emprunteur remboursera son prêt est incontestablement la base de l’activité de crédit. Il s’agit même d’un questionnement essentiel. En revanche, les hypothèses retenues (sens de l’asymétrie d’information, opportunisme des acteurs, etc.) nécessaires au maintien de la modélisation en donnent une lecture appauvrie. Elles ne permettent de saisir que partiellement l’incertitude portant sur la « qualité façon » identifiée par De Bandt (1994) (la qualité de l’output), et conduisent à ignorer totalement l’incertitude portant sur la « qualité adaptation » (la qualité de l’outcome). Si l’on suit l’analyse de Karpik (1998), c’est pourtant cette dernière qui explique la structuration du marché de crédit en relations bilatérales de long terme. Il est donc indispensable de dépasser ces hypothèses et d’approfondir l’analyse des sources d’incertitude spécifiques à la prestation de services bancaires.