B. L’incertitude sur la qualité de l’outcome

Si l’on considère à présent la qualité de l’outcome, l’incertitude à laquelle fait face la banque est liée à la rentabilité globale des différentes capacités techniques (l’ensemble des quasi-produits) et humaines mises à disposition du client tout au long de la relation bancaire. L’incertitude porte alors sur la fidélité du client lorsqu’il est rentable. Deux principales raisons expliquent que la fidélité représente un tel enjeu pour la banque.

D’une part, la bancarisation de la population française est quasi-totale. La concurrence entre les établissements bancaires ne se fait donc plus principalement sur le champ de la bancarisation de nouveaux clients, mais bien davantage sur le fait d’attirer des clients bancarisés dans un autre établissement, captation qui a un coût pour l’établissement213. D’autre part, et cet élément est particulièrement souligné par l’économie bancaire, la construction d’une information de qualité sur un client suppose d’inscrire la relation dans la durée. Mais cette inscription dans la durée, autrement dit la fidélité du client, est également nécessaire pour rentabiliser cet investissement de la banque. Ainsi, Eric Lamarque et Monique Zollinger (2004) indiquent, en s’appuyant sur une étude de Frederick Reichheld et Earl Sasser (1990), qu’une augmentation de 5 % du taux de fidélité des clients des banques américaines se traduit par un accroissement de 85 % de la rentabilité de leur activité de dépôt et de 75 % pour les cartes de crédit. Conserver les clients rentables devient alors un enjeu stratégique pour chaque établissement.

La fidélité du client conduit à s’intéresser à l’incertitude à laquelle celui-ci fait face concernant la qualité de l’outcome, c'est-à-dire l’incertitude portant la satisfaction de ses besoins financiarisés. Deux foyers peuvent être distingués. Le premier porte sur l’évaluation des effets des différents quasi-produits accessibles. L’incertitude est particulièrement forte car il s’agit d’un « produit hautement socialisé dont l’évaluation est complexe et n’a de sens qu’au confluent des points de vue des acteurs concernés et dans un contexte institutionnel donné » (Gadrey, 1994c, p. 129). À côté de la multiplicité des registres d’évaluation, le fait que cette évaluation ne peut souvent être faite que très longtemps après la mise à disposition de ces quasi-produits, accroît encore l’incertitude. Le second foyer d’incertitude porte sur la réalité des possibilités de « réparation » si ces quasi-produits se révèlent inadaptés, tant en matière d’évaluation du préjudice que de répartition des responsabilités entre banquier et client.

Ces deux foyers d’incertitude auxquels est confronté le client, mettent au cœur des interrogations la singularité du résultat alliée à l’absence de « produit physique » comme résultat global de la prestation. C’est en raison de la nécessaire personnalisation de la prestation et de la subjectivité des modes d’évaluation que l’incertitude à laquelle fait face le client est si forte. On retrouve là les analyses de Karpik (1989), pour qui l’hétérogénéité de ce qui est échangé est en soit une source d’incertitude essentielle. Cette singularité affecte également le prestataire car, de son point de vue, la qualité de l’outcome (la fidélité du client) dépend précisément de la satisfaction des besoins singuliers du client.

Notes
213.

 En plus du coût des campagnes publicitaires on peut également considérer celui des produits d’appel comme les crédits immobiliers.