A. Les modalités de participation du client

En s’appuyant notamment sur le travail précurseur de Goffman (1968), on peut ajouter qu’une relation de service se développe lorsqu’un professionnel fournit un service personnalisé à des personnes qui le sollicitent volontairement, et avec qui il est en contact direct. Gadrey (1994a et 1996) identifie trois modalités de participation du client :

  1. Les interactions opérationnelles qui correspondent à la « coproduction au sens de division technique du travail entre les protagonistes » (Gadrey, 1996, p. 286). Le client participe à la réalisation technique de la prestation de services, soit en collaborant avec le prestataire, soit en réalisant en self-service une partie des opérations (par exemple grâce à des automates mais également au travers de l’utilisation des quasi-produits eux-mêmes).
  2. Les échanges d’informations techniques ou contractuelles qui peuvent être simultanés des interactions opérationnelles. Ce sont les informations relatives à la situation du client, à ses attentes ainsi que celles relatives au fonctionnement des quasi-produits bancaires et à leurs caractéristiques.
  3. Transversalement aux deux précédentes, les relations sociales de contrôle et de régulation de l’action (copilotage), au cours desquelles les acteurs (clients et banquiers) tentent d’influer sur le comportement de l’autre de manière à obtenir une prestation conforme à leurs attentes. Il est donc question de négociation de la finalité de la prestation, de ses modalités de réalisation et de vérification.

De ces trois modalités, seule la dernière est véritablement propre aux relations de service. Les deux premières peuvent être présentes au sein de prestations de services sans qu’il y ait relation de service. C’est notamment le cas lorsqu’un client commande sur Internet un billet de train à la SNCF. Le client coproduit la prestation dans la mesure où il réalise seul sa réservation et le retrait de son billet (s’il utilise un automate en gare). Lors de sa réservation il communique les informations nécessaires (heures de départ et d’arrivée, destination, etc.). En retour, il est informé des possibilités existantes, de leurs prix et des conditions de voyage (par exemple, l’étiquetage des bagages). Mais à aucun moment il n’est question de copilotage. La réponse apportée par la SNCF est prise parmi les trains existants. Le départ du train ne sera pas retardé de 15 minutes afin de satisfaire véritablement le client.

Si l’on considère à présent la prestation de services bancaires, elle peut également être produite par le client utilisant seul les automates. Cependant, à l’inverse de l’exemple de la SNCF, les quasi-produits bancaires utilisés grâce aux automates ont été définis par la mise en œuvre d’un copilotage permettant la personnalisation de la prestation. Ainsi, s’il n’y a pas nécessairement copilotage lors de chaque interaction entre le banquier et son client, celui-ci se développe lorsque le client a un projet qui suppose l’obtention d’un nouveau produit (une carte de paiement ou un crédit par exemple), lors de la survenue d’un problème (ce qui va des frais jugés injustifiés jusqu’aux difficultés liées aux accidents de la vie), mais également lorsque le banquier sollicite un client pour lui proposer un produit financier (par exemple lors d’une campagne commerciale portant sur des placements boursiers). Ce sont dans ces situations que banquier et client négocient véritablement les caractéristiques de l’offre de service de la banque et définissent les résultats attendus. En d’autres termes, c’est par le copilotage que la singularité de la situation peut être prise en compte, le résultat de la prestation personnalisé et l’incertitude sur la qualité de l’outcome réduite.