Conclusion du chapitre 6

Que ce soit relativement à la qualité du résultat (outcome) ou de la transformation (output), banquier et client évoluent dans un univers incertain. Il l’est d’ailleurs beaucoup plus que ne le laissent penser les modèles de l’économie bancaire qui ne considèrent que l’incertitude portant sur le remboursement du crédit et seulement au regard d’une de ses causes : le comportement potentiellement opportuniste du client. Grâce à l’application de notre grille de lecture en termes de prestation de services bancaires, il a été possible d’enrichir la compréhension de l’incertitude en considérant à la fois celle portant sur l’output et sur l’outcome et ainsi, l’inégale pertinence des différentes modalités de sa réduction (jugement et consolidation).

Ce chapitre a ainsi permis d’analyser de manière approfondie les avantages et limites de la relation de service pour réduire l’incertitude portant spécifiquement sur la qualité de l’outcome. Par la collaboration qu’elle rend possible au travers du copilotage, elle permet aux acteurs de la prestation de s’ajuster en permanence et ainsi de saisir la singularité de la demande du client mais également d’intégrer les évolutions imprévues. La multiplicité des interactions conduit ainsi potentiellement à l’élaboration d’un cadre d’échange commun favorable aux échanges d’informations, à l’amélioration des capacités de jugement des acteurs et surtout à l’établissement d’une relation de confiance. Couplée à la consolidation, la relation de service peut donc favoriser l’acquisition d’information pour traiter l’incertitude comme un risque en en mesurant le niveau. Mais elle présente l’avantage supplémentaire de véritablement réduire l’incertitude, c'est-à-dire de diminuer la potentialité que la prestation soit de mauvaise qualité, par ses effets sur les acteurs eux-mêmes. Toutefois, son caractère relationnel est porteur de ses propres foyers d’incertitude affectant la qualité de l’output.

Mais à la différence des modèles de l’économie bancaire, notre grille de lecture fonde sur d’autres bases que l’opportunisme l’incertitude portant sur la qualité de l’output. Les hypothèses d’opportunisme et d’asymétrie d’information conduisent ces modèles à élaborer des procédures où les interactions n’ont plus leur place et ainsi à contourner l’incertitude sur l’output. La primauté est donc donnée à la consolidation au détriment du jugement. Pourtant, en s’appuyant sur Knight, il est possible d’expliquer l’incertitude par d’autres mécanismes que l’opportunisme. Sans nier l’existence de comportements de ce type, c’est bien davantage l’hétérogénéité du jugement de chacun et l’inobservabilité de sa qualité qui expliquent l’incertitude comportementale. Afin de la réduire, il importe d’accroître la qualité et l’intensité des interactions entre client et banquier qui composent la relation de service. C’est là toute la difficulté car il s’agit d’une relation de pouvoir : la collaboration entre le client et le banquier est avant tout une négociation et sa qualité dépend de ses éventuels déséquilibres qu’ils soient économiques, cognitifs, culturels ou sociaux.

Il apparaît ainsi que la prise en compte des différentes sources d’incertitude joue un rôle déterminant sur la structuration de la prestation de services bancaires et inversement. Le prestataire peut ainsi s’appuyer sur la relation de service et donc privilégier la qualité de l’outcome au détriment potentiel de l’output ou au contraire recourir à la consolidation avec une efficacité inverse. C’est en fonction de la rentabilité espérée de la fidélité du client que l’arbitrage entre l’une et l’autre (ou leur pondération lorsqu’elles sont articulées) est réalisée. La conséquence en est, pour les clients dont la fidélité n’est pas un objectif rentable, de devoir réduire par eux-mêmes l’incertitude portant sur la qualité de l’outcome pour éviter le développement du processus d’exclusion bancaire. À présent, il est nécessaire de voir dans quelle mesure notre grille d’analyse permet de comprendre les changements à l’œuvre au sein des banques de détail depuis la seconde guerre mondiale et ce au regard de la qualité de la prestation de services bancaires.