§1. Une banque encastrée localement et socialement

La relation bancaire est inscrite dans des évolutions morales, sociales, techniques et légales. Il faut en tenir compte si l’on souhaite comprendre les déterminants des comportements des banquiers comme des clients.

A. L’activité bancaire perçue comme un service public par la population

Au début des années 1950, le secteur bancaire est sous le contrôle quasi-total de l’État de manière directe ou indirecte. Les établissements bancaires coopératifs ont été rationalisés et réorganisés au cours de l’entre-deux-guerres notamment en les dotant d’organes centraux placés sous sa tutelle, la Banque de France et les principales banques privées ont été nationalisées, et le Conseil national du crédit encadre la concurrence interbancaire afin de permettre le financement de la reconstruction du pays237. Lorsque débute la bancarisation de masse de la population au milieu des années 1960, la perception des banques par les particuliers n’est donc pas celle d’un véritable commerce.Différents éléments entretiennent cette impression.

En dehors du rôle social croissant joué par les produits bancaires en raison de l’intensification de la financiarisation, la perception des établissements bancaires par la clientèle est également affectée par les caractéristiques de l’activité bancaire. Celle-ci est en effet peu soumise aux contraintes de rentabilité lorsqu’elle se développe en direction des particuliers. Dans la mesure où ces établissements tirent leur rentabilité de leur activité d’intermédiation, c'est-à-dire de l’emploi des ressources apportées par les ménages pour faire des crédits aux entreprises, ils sont largement ouverts à la population. Cela se traduit notamment par des produits extrêmement peu coûteux dont la gratuité du chèque est l’emblème, ainsi que par le développement massif des réseaux bancaires au point que l’on parle de « course aux guichets ». Cette perception de l’activité bancaire comme une activité pas tout à fait marchande est renforcée par la présence extrêmement forte de l’État qui garantit la stabilité du système, possède les principaux établissements non coopératifs, et contrôle les règles de la concurrence. L’encadrement des taux d’intérêt créditeurs et débiteurs en donne un bon exemple dans la mesure où, pour les clients, la rémunération de l’épargne et le prix du crédit sont fixés par l’État.

Ainsi, « l’évolution économique et sociale conduit à la bancarisation pour tous et fait entrer le "service public bancaire" dans l’univers des droits fondamentaux du consommateur et du citoyen » (Zollinger & Lamarque, 2004, p. 22). Cette confusion entre une certaine forme de service public et la dimension commerciale de l’activité bancaire s’explique également par le mode de relation entre le client et la banque.

Notes
237.

Voir Chapitre 2.