B. La remise en cause de leur cœur de métier : l’intermédiation

Pour légitimer l’adoption d’une grille de lecture en termes de prestation de services bancaires, nous avions fait le constat que l’activité d’intermédiation n’était plus aujourd’hui au cœur de la rentabilité des banques (Chapitre 5). Elle l’était encore en 1985-1986, représentant 70 % des revenus des banques (le reste provenant à parts égales des facturations de services aux entreprises et aux particuliers, et des recettes tirées des activités de marché) (Dressen & Roux-Rossi, 1996). Cependant, les premiers effets de la désintermédiation242 se sont fait sentir sur le résultat des banques à cette époque et ont entrainé une modification profonde de leur activité.

Les entreprises de grande taille ont été les premières à moins recourir au crédit pour se financer et davantage aux marchés financiers (les financements désintermédiés passent de 334,6 milliards de francs en 1988 à 635,3 milliards en 1994) et à l’autofinancement, les entreprises constituant « des « matelas de sécurité » allant parfois jusqu’à 135 % de leurs besoins »(Dressen & Roux-Rossi, 1996, p. 25). Cependant, les pratiques des particuliers ont également été marquées par la désintermédiation, leur épargne s’orientant vers des placements financiers tant à court terme qu’à moyen et long terme rendus très attrayants par l’évolution des taux, l’envol des cours de bourse, mais aussi par la législation (Grafmeyer, 1992).

Cette évolution de la demande des clients résulte ainsi du nouveau mode de régulation du secteur bancaire. Non seulement les clients sont moins nombreux à consommer les produits bancaires permettant l’intermédiation, mais, de plus, la rentabilité de ces opérations est elle-même remise en cause. Associée à la fin de l’encadrement des taux d’intérêt, « la désinflation compétitive s’accompagne d’une décélération des taux d’intérêt, ce qui amoindrit notablement l’avantage que les banques retiraient de la non rémunération des dépôts à vue » (Grafmeyer, 1992, p. 96). Il faut ajouter à cela que l’accroissement de la concurrence exerce des effets différents sur les taux débiteurs et créditeurs. Ainsi, les taux auxquels les banques prêtent, baissent plus rapidement que ceux auxquels elles rémunèrent leurs ressources, au point que l’épargne, y compris liquide, bénéficie de taux d’intérêt réels positifs.

La rentabilité de l’activité d’intermédiation est donc profondément remise en cause. Cela ne peut que conduire les banques à réinterroger leurs relations avec la clientèle de particuliers, dans la mesure où cette dernière avait principalement pour raison d’être de fournir des ressources à très bas prix destinées à permettre les opérations de crédit.

Notes
242.

 La désintermédiation correspond au recours croissant aux marchés financiers, résulte de la hausse de la demande de produits dérivés pour faire face à la variabilité des taux de change et d’intérêt, de la baisse des coûts de transaction des opérations financières grâce aux nouvelles technologies de l’information et de l’entrée de nouveaux acteurs financiers suite à la déréglementation (Scialom, 1999).