Jusqu’alors, la concurrence bancaire qui s’exerçait sur la clientèle de particuliers, avait pris la forme d’une « course au guichet ». L’objectif était principalement de voir ses clients ouvrir un compte de dépôt ou d’épargne afin de disposer de leurs ressources et pourquoi pas de leur octroyer un crédit. Pour cela, la proximité était l’élément clef. Le maillage territorial s’est ainsi développé en France au point que la question d’une « surbancarisation » ou d’un surdimensionnement de l’offre bancaire vienne même à être posée. En effet, en 1996, la France compte 439 guichets par million d’habitants contre 314 au Royaume-Uni, 312 aux États-Unis, mais 600 en Allemagne, occupant le sixième rang des pays industrialisés (Dressen & Roux-Rossi, 1996)243.
Le nombre global d’agences tend à se stabiliser (Pastré, 2006) et certains réseaux choisissent même de fermer leurs petites agences (Grafmeyer, 1992). Cela s’explique également par le ralentissement de la croissance de ce marché. En effet, en 1984, 92 % des ménages disposent d’un compte de dépôt ou d’épargne et un nombre croissant d’entre eux est même multibancarisé. Dans la mesure où la conquête de nouveaux clients ne peut plus s’exercer qu’en direction des jeunes ou au détriment des concurrents, il devient indispensable pour chaque établissement de s’intéresser à la valorisation de sa propre clientèle. Ainsi, « la compétition par les prix et par la qualité des prestations prend la relève de la concurrence par la localisation des agences » (Grafmeyer, 1992, p. 103).
Cet intérêt porté à la satisfaction de la clientèle est également nécessaire en raison de l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché bancaire à la faveur de la dérégulation. Ainsi, les enseignes de la grande distribution ou les établissements spécialisés de crédit deviennent des concurrents sérieux, et ce d’autant plus lorsqu’ils unissent leurs compétences. En effet, « les cartes privatives de paiement (genre Cofinoga , Cetelem , etc.) visaient au départ à fidéliser la clientèle, mais elles concurrencent désormais les cartes bancaires à un moindre coût de fonctionnement » (Dressen & Roux-Rossi, 1996, p. 24).
En raison de ces nouvelles contraintes, les établissements bancaires passent donc d’un rapport à la clientèle de particuliers où la rentabilité était considérée uniquement sur la masse, et découlait de l’activité d’intermédiation, à un rapport où il convient de rentabiliser chaque relation établie par la vente de produit et la facturation de commissions. La clientèle de particuliers est alors considérée comme une source de profit en elle-même dont il convient de satisfaire les besoins et ce de manière rentable. C’est toute l’organisation bancaire qui va être remise en cause par ce changement stratégique. Cette évolution correspond à une profonde transformation du paradigme de l’activité bancaire prenant appui sur l’essor des nouvelles technologies de l’information.
À titre de comparaison, nous avons réalisé un calcul similaire à partir des chiffres de l’OCDE disponibles pour 2005 : la France comptait 444 guichets par million d’habitants, le Royaume-Uni 195, les États-Unis 272 et l’Allemagne 534. La France est ainsi le seul pays où le nombre de guichets bancaires se soit accru.