B. L’industrialisation de la prestation de services bancaires

Le premier indice d’une éventuelle industrialisation de la prestation de services bancaires porte sur l’évaluation de la performance des banquiers. Gadrey considère cet aspect comme une modalité généralement faible d’industrialisation. Son influence varie selon la possibilité de mettre en place une nomenclature de quasi-produits nécessaire à la mesure et selon l’influence des critères de performance sur les choix organisationnels et stratégiques. Dans le cas bancaire, la nomenclature de quasi-produits existe (comptes, crédits, etc.). Elle est même au cœur de l’évaluation de la performance des banquiers qui sont rémunérés et obtiennent des promotions en partie en fonction de leur efficacité pour vendre ces quasi-produits. Il s’agit là de critères quantifiables. De plus, cette nomenclature influe sur l’organisation et la stratégie de la banque qui ouvre des agences et les spécialise en fonction de ces objectifs de vente. De même, le fonctionnement avec des « campagnes commerciales » correspond très précisément à une surdétermination des choix organisationnels et stratégiques par les critères quantitatifs de vente.

Un deuxième indice accrédite l’hypothèse d’une industrialisation : la production de biens tangibles destinés à remplacer des services. C’est effectivement ce qui se produit avec l’introduction massive des automates destinés à être utilisés en self-service. C’est également le cas des opérations réalisables via la banque par Internet. Toutefois, il importe de souligner que cette automatisation ne porte que sur les aspects considérés comme les plus simples de la prestation.

Deux des trois éléments significatifs d’une industrialisation de la prestation de services bancaires sont donc présents. Reste le troisième correspondant à l’organisation productive. Il porte sur le cœur, la raison d’être, de la prestation de services bancaires telle que nous l’avons définie : l’activité de l’expert – banquier. Son industrialisation, c'est-à-dire sa standardisation, se distingue de la typification et correspond à : « la reconnaissance rapide des cas-types (les autres sont exclus) et l’application corrélative des procédures de traitement ou programmes standards "mécaniquement" associés à ces cas. La marge d’autonomie est aussi réduite que possible, en dépit de l’aspect éventuellement complexe des "programmes standards" et des "routines" à mettre en œuvre » (Gadrey, 1996, p. 318).

Appliquée à l’activité des banquiers, cette définition trouve une certaine résonance. En effet, les systèmes de scoring adossés aux bases de données des établissements de crédit permettent d’évaluer les clients et de les exclure de certains quasi-produits si leur niveau de risque estimé est trop élevé. Ils permettent également de les segmenter et ainsi de leur proposer des packages standards prévus pour le segment auquel ils appartiennent. Il serait tentant de conclure à une industrialisation totale de la prestation de services bancaires. Pourtant, elle rencontre des limites extrêmement fortes qui la rendent très improbable.