Chapitre 8. Le copilotage à l’épreuve des besoins spécifiques des clients en difficulté

Introduction chapitre 8

Faire l’hypothèse que l’exclusion bancaire est principalement le fruit de l’inadaptation de la prestation de services bancaires aux besoins spécifiques d’une partie de la clientèle en raison notamment des contraintes de rentabilité qui pèsent sur les établissements bancaires, suppose de comprendre quels sont ces besoins. Finalement, n’est-il pas tentant de conclure que si ces établissements ne parviennent pas à servir adéquatement cette clientèle, c’est simplement parce que cela leur est impossible ? Les raisons peuvent être l’absence totale de solvabilité de ces clients ou bien leur incapacité absolue à maîtriser les produits mis à leur disposition.

Ce type d’explications fait reposer les raisons de l’incompatibilité entre la demande de cette clientèle et l’offre bancaire, soit sur le contexte socioéconomique au sein duquel évoluent ces clients, soit sur leur comportement bancaire. Sans adopter une lecture aussi parcellaire des responsabilités quant à l’apparition de difficultés bancaires, il faut souligner que les contraintes sociétales et les décisions prises par les clients sont des composantes essentielles de ces difficultés. En quelque sorte, contraintes socioéconomiques et pratiques bancaires sont le pendant pour les clients de la contrainte de rentabilité et des choix organisationnels pour les établissements de crédit. Dès lors, si le rôle de ces besoins spécifiques dans la production de ces difficultés n’est compréhensible que par l’analyse de leurs interactions avec les caractéristiques de l’offre bancaire, il est indispensable d’en comprendre au préalable la nature et les mécanismes qui les produisent. C’est ce que ce chapitre se propose de faire.

Tout d’abord, la contrainte sociétale est analysée. À partir des données disponibles sur les personnes rencontrant des difficultés d’usage (interdiction bancaire ou surendettement), leur portrait socioéconomique est dressé avant de voir quelle est l’influence de ce contexte sur la survenue de difficultés bancaires en évitant toutefois le piège d’une lecture dichotomique entre causes actives et passives (section 1). Ayant défini le contexte socioéconomique dans lequel ces clients évoluent, il est ensuite possible de mettre en perspective les décisions qu’ils prennent c'est-à-dire d’en analyser les ressorts. Le but est de comprendre si les compétences des clients sont insuffisantes ou non et, si elles ne le sont pas, en quoi elles peuvent se révéler inadaptées aux règles et normes bancaires d’accès et d’usage (section 2). Enfin, aux vues de ces enseignements tant sur les contraintes sociétales qui pèsent sur les clients que sur les déterminants de leurs pratiques bancaires, il est possible d’étudier les conséquences des choix organisationnels retenus par les établissements bancaires sur la qualité du copilotage. En effet, la singularité des situations, leur complexité ainsi que leur charge émotionnelle (sentiment de honte et pression de la précarité notamment) supposent une prise en compte personnalisée pour assurer autant que possible la qualité de l’output, ainsi et surtout que celle de l’outcome. La standardisation des caractéristiques de la prestation de services bancaires généralement proposée, aggrave alors le plus souvent les difficultés préexistantes (section 3).