Chapitre 9. Caractéristiques techniques de la prestation et difficultés bancaires d’accès et d’usage

Introduction chapitre 9

En décidant par souci de rentabilité de substituer largement la consolidation au jugement, les établissements de crédit ont extrêmement restreint les possibilités de développement du copilotage. Ce choix se justifie par la prévalence de la qualité de l’output sur celle de l’outcome pour les clients dont la rentabilité supposée remet en cause la pertinence de leur fidélisation grâce à leur satisfaction. C’est donc tout un ensemble de dispositifs techniques au sens de Cochoy (2004b)286 qui est mis en place par les banques pour compléter voire se substituer aux apports de la dimension relationnelle de la prestation pour une partie de la clientèle.

Analysant la « modernisation bancaire », nous avons montré dans la deuxième partie de la thèse que les bases de données et les outils informatiques d’exploitation faisaient partie de ces dispositifs techniques. Leur but est de donner l’impression au client d’une relation personnalisée et de parvenir à moindre coût à satisfaire ses attentes. Nous avions alors souligné qu’à mesure que le potentiel de rentabilité d’un client augmentait, ces dispositifs techniques laissaient la place à un véritable copilotage afin d’assurer la qualité de l’outcome. Pour les clients jugés sans potentiel, ces dispositifs techniques corsètent fortement la prestation de services bancaires. Ils n’ont plus alors pour finalité principale la satisfaction de ces clients (qualité de l’outcome) mais bien d’assurer autant que possible la rentabilité de la relation pour le prestataire (qualité de l’output).

Après avoir vu en quoi les besoins spécifiques des clients aux revenus irréguliers ou modestes ne parvenaient pas à être pris en compte de manière satisfaisante par le copilotage, il importe donc de caractériser les dispositifs techniques mis en œuvre par les établissements de crédit et d’en analyser les effets sur le développement des difficultés d’usage et d’accès. C’est ce que ce chapitre se propose de faire en insistant notamment sur les conséquences aggravantes de ses dispositifs techniques sur les pratiques bancaires des clients.

Ce sont tout d’abord les effets des dispositifs techniques sur la relation bancaire établie et donc sur le développement de difficultés d’usage qui sont analysés (section 1). L’accent est principalement mis sur les politiques de tarification-sanction ainsi que sur l’adéquation entre les caractéristiques des produits proposés et les besoins des clients. Cela met en lumière la diversité des pratiques entre les établissements bancaires et de vérifier qu’il s’agit bien de choix stratégiques destinés à la rentabilisation à court terme de ses clients. Cette analyse conduit à souligner en quoi les difficultés d’accès découlent des difficultés d’usage puis à montrer là encore l’influence des dispositifs techniques dans leur développement. La stratégie poursuivie par les établissements n’est plus alors une stratégie de rentabilisation des clients aux ressources irrégulières ou modestes mais d’évitement de ceux dont aucune rentabilité n’est espérée. Ce sont alors l’auto-exclusion et les pratiques de sélection directe et indirecte qui sont analysées (section 2).

Notes
286.

 Cochoy considère principalement les dispositifs techniques de captation et de fidélisation des publics dans le commerce comme les cartes de fidélité. Ici, il s’agit des éléments techniques comme les outils de scoring ou les procédures automatisées de traitement des incidents. Pour plus de détail voir le deuxième paragraphe de la deuxième section du septième chapitre.