B. Des conditions tarifaires différenciées et ciblées

L’adaptation de la tarification aux spécificités de la consommation bancaire des clients aux ressources modestes ou irrégulières permet de rentabiliser les relations établies sans pénaliser celles avec des clients jugés désirables. Ainsi, sachant que les allocataires de minima sociaux sont 42 % à retirer leur argent exclusivement de cette manière alors que ce n’est le cas que de 24 % de l’ensemble de la population (Daniel & Simon, 2001), plusieurs grands réseaux bancaires ont eu l’idée de facturer ce type de services environ 8 euros. Ce surcoût est difficilement supportable pour des ménages aux ressources modestes d’autant plus s’il est appelé à se répéter plusieurs fois dans le mois. Suite à la dénonciation de ces pratiques par les associations de défense des consommateurs, les établissements de crédit se sont engagés en novembre 2004, engagement confirmé en janvier 2006297, à ne plus facturer ce type de services pour les clients ne disposant pas de carte de retrait.

Au-delà de cet aspect particulier, c’est l’ensemble de la grille tarifaire qui reflète la volonté des établissements de crédit de rentabiliser à court terme la relation établie avec ces clients. Pour s’en rendre compte, il serait nécessaire de dresser des profils de consommation bancaire par décile ou quintile et de les croiser avec les tarifs des différents réseaux bancaires. Aujourd’hui, ces profils n’existent pas. En revanche, les journalistes du Monde de l’Argent se sont livrés à un exercice similaire qu’ils répètent chaque année298. Bien que les profils établis ne puissent prétendre à la scientificité, ils offrent néanmoins une base permettant la comparaison du coût de la relation bancaire entre les différents réseaux. Cinq profils ont été établis : le client « modeste » dont les revenus s’élèvent à 1 000 euros par mois, le client « moyen » ayant 2 000 euros de revenus, le client « aisé » avec 3 700 euros, le client « boursicoteur » avec 4 300 euros et enfin le client « fortuné » avec 6 000 euros299.

À partir de ces profils, les journalistes classent les banques de la moins chère à la plus chère et établissent une moyenne. Nous avons fait le choix de ne considérer qu’un nombre restreint de réseaux : les banques de détail à réseaux300 à tarification nationale et une caisse (celle ayant le meilleur classement pour « le client modeste ») pour chaque banque à tarification régionale301. Nous avons comparé leur classement pour les différents profils de clientèle en intégrant le classement du coût moyen. Afin de rendre cette comparaison plus lisible, le premier graphique (graphique 11) regroupe les banques commerciales alors que le second (graphique 12) regroupe les banques coopératives et La Poste302.

Graphique 11 : Coût moyen des établissements commerciaux
Graphique 11 : Coût moyen des établissements commerciaux

Source : Élaboration personnelle à partir des données du Monde de l’argent.

Graphique 12 : Coût moyen des établissements coopératifs et de l’établissement postal
Graphique 12 : Coût moyen des établissements coopératifs et de l’établissement postal

Source : Élaboration personnelle à partir des données du Monde de l’argent.

Ces évolutions différenciées illustrent les stratégies tarifaires adoptées par les différents types de réseaux. Alors que les banques commerciales sont relativement coûteuses pour les clients « modestes » au point de proposer une tarification plus élevée que la moyenne, elles se révèlent très compétitives pour les profils les plus riches. La société Générale passe ainsi de 29ème position pour le client « modeste » à la deuxième pour les clients « boursicoteurs » et « fortunés ». À l’inverse, les banques coopératives et La Poste obtiennent des résultats relativement stables tout en étant moins compétitives pour les profils les plus riches. Finalement, ces graphiques – illustrent sans toutefois pouvoir en apporter la preuve formelle – que les établissements bancaires commerciaux pratiquent une politique tarifaire discriminatoire à l’égard des clients les moins fortunés destinée principalement à les rentabiliser.

Les caractéristiques de la prestation de services bancaires tant en matière de types de produits disponibles que de conditions tarifaires, reflètent une volonté de rentabiliser à court terme la relation bancaire établie. Bien que des différences réelles existent selon le statut des établissements, ces stratégies sont une réalité dans l’ensemble des réseaux bancaires303. Si ces stratégies de rentabilisation posent problème c’est qu’elles peuvent conduire à sacrifier la qualité de l’outcome pour le client et à favoriser l’apparition de difficultés bancaires. Mais si les établissements bancaires sont prêts à courir ce risque, c’est que ces difficultés sont également une source de rentabilité.

Notes
297.

 Engagement pris dans le cadre des plans d’action du 9 novembre 2004 et 30 janvier 2006 élaborés entre professionnels et consommateurs sous l’égide du Conseil Consultatif du Secteur Financier (CCSF) suite à la médiation du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’industrie (MINEFI).

298.

 CLCV (2007) propose également un exercice semblable cependant, la publication n’intégrant que les 10 banques les plus coûteuses et les 10 banque les moins coûteuses, les données sont insuffisamment disponibles pour comparer les différents réseaux.

299.

Pour le détail de leur consommation bancaire voir l’annexe 7.

300.

Sont donc exclues de cette comparaison les banques en ligne.

301.

Les réseaux considérés sont : BNP-Paribas, BRED Banque Populaire, Caisse d’Épargne Rhône Alpes Lyon, CIC, Crédit Agricole Centre France, Crédit Coopératif, Crédit Lyonnais, Crédit Mutuel de Bretagne, La Poste, et Société Générale.

302.

 Les données utilisées sont celles de 2005 (Le Monde Argent, dimanche 30 – lundi 31 janvier 2005, n° 18 867).

303.

 L’enquête de la CLCV (2007) témoigne d’ailleurs de la diversité des tarifs pratiqués pour des produits ou services similaires entre réseaux coopératifs et, au sein même de ces réseaux, entre caisse régional (des variations de 1 à 7 pour un même panier au sein du Crédit Agricole et de 1 à 4 au Crédit Mutuel et aux Banques Populaires).