Conclusion chapitre 9

Ce chapitre a permis de mettre en lumière l’influence des dispositifs techniques mis en place par les établissements de crédit sur la qualité de la prestation. Destinés à maintenir la qualité de l’output pour le prestataire en suppléant la dimension relationnelle de la prestation, ces différents éléments s’avèrent souvent facteurs de dégradation de la qualité de l’outcome pour une partie de la clientèle. Les politiques de tarification des différents quasi-produits (opération de guichet, comptes, moyens de paiement scripturaux, etc.), leurs caractéristiques, le coût et les procédures suivies en cas d’incident de paiement ou de remboursement sont autant d’éléments pénalisant les clients dans le seul but de préserver les intérêts de l’établissement de crédit. Elles entraînent en retour des pratiques inappropriées de la part des clients.

Tableau 26 : Résumé des pratiques sources de difficultés bancaires
Pratiques causes de difficultés d’usage
Prestataires Rentabilisation des clients jugés trop coûteux Surconsommation (package, conditionner certains services à d’autres, etc.), facturation des services les plus consommés par la clientèle non désirée, etc.
Rentabilisation des clients jugés trop risqués Utilisation des frais en cas d’incidents pour rentabiliser ou faire partir un client, etc.
Clients Mise en retrait de la relation Ne pas prévenir son banquier des difficultés (accidents de la vie) rencontrées, chercher des solutions en dehors de la relation bancaire (crédits revolving, travail au noir, etc.)
Pratiques causes de difficultés d’accès
Prestataires Sélection directe Refus au guichet de certains profils de clientèle
Sélection indirecte Implantation des agences en dehors des zones géographiques marquées par la précarité, diffusion de l’information relative aux produits en direction uniquement de certains segments de clientèle (marketing exclusion)
Clients Auto-exclusion Renoncement à l’utilisation ou à la possession de certains services

Source : Élaboration personnelle.

Les dispositifs techniques élaborés par les établissements ont pour finalité la rentabilité de court terme des relations établies. En ce sens, ils sont proches d’une logique de « banque à l’acte » si ce n’est que leur efficacité n’est compréhensible que si l’on prend en compte leur articulation au travers des différents produits détenus par les clients. En revanche, leur proximité tient à l’absence de partage des responsabilités quant à la réduction de l’incertitude pesant sur la qualité de l’outcome. Celle-ci échoit uniquement aux clients. C’est à eux de naviguer entre les possibilités proposées par les banques pour trouver la solution la moins inadaptée à leurs besoins. La difficulté tient à ce que ces dispositifs techniques induisent en retour des comportements de mise en retrait pouvant rendre encore plus délicate cette recherche. Quand ces clients n’y parviennent pas, au minimum, la qualité de leur outcome est mauvaise, au pire, cela se traduit également pas la dégradation de celle de l’output. Dans ce dernier cas, l’établissement bancaire risque également d’en pâtir induisant des formes de protection consistant à interrompre la relation.

C’est là le second résultat de ce chapitre : les difficultés d’accès sont la conséquence des difficultés d’usage. Que ce soit les banques au travers de leurs stratégies de sélection directe ou indirecte, ou les clients par leurs décisions d’auto-exclusion, tous deux adoptent ces stratégies d’évitement en raison de l’anticipation des coûts induits par les difficultés potentielles d’usage liées à l’inadéquation de la prestation de services bancaires. Si les dispositifs techniquesad hoc et l’auto-exclusion peuvent être considérés isolément, il est indispensable pour en comprendre la raison d’être (et à terme de lutter contre) de maintenir explicite leur lien avec la mauvaise qualité de la prestation. Elle explique le développement de difficultés bancaires d’usage et, à terme, elle explique qu’une partie de la population n’ait pas accès au minimum de produits bancaires nécessaire pour mener une vie sociale normale.

Schéma 10 : Chaîne causale des difficultés bancaires
Schéma 10 : Chaîne causale des difficultés bancaires

Source : Élaboration personnelle.

À l’instar de la place laissée au copilotage , les dispositifs techniques qui traduisent les règles et normes d’accès et d’usage fixées par les établissements de crédit ne sont pas totalement similaires d’un établissement à l’autre. Reflétant l’arbitrage entre l’objectif de rentabilité et d’autres finalités liées aux valeurs ou à l’histoire de ces différents établissements, il apparaît que la Banque Postale et les établissements coopératifs se révèlent en moyenne plus ouverts aux clients ayant des ressources limitées ou irrégulières et élaborent des dispositifs techniques aux caractéristiques sensiblement plus appropriées à leurs besoins.

En donnant à voir qu’il n’existe pas une voie unique pour structurer la prestation de services bancaires, le constat de cette diversité de pratiques des établissements de crédit vient confirmer le résultat du chapitre précédent : le niveau de risque et de rentabilité d’un client dépend de la qualité du copilotage qu’il parvient à mettre en œuvre avec le banquier, qualité liée au dispositif technique élaboré par l’établissement pour encadrer la relation. Répondre au défi de l’exclusion bancaire suppose donc de trouver les moyens de favoriser le caractère approprié de la prestation, en s’appuyant notamment sur cette diversité.