Chapitre 10. Quelles réponses à l’exclusion bancaire ?

Introduction chapitre 10

En raison de la financiarisation des rapports sociaux, il est nécessaire que chaque personne ait la possibilité d’accéder aux produits bancaires de manière appropriée ou de maintenir cet accès approprié lorsque des difficultés professionnelles, familiales et/ou de santé surviennent. Toutefois, ce caractère approprié dépend de la qualité de la prestation de services bancaires. Cette qualité découle de la collaboration entre le client et son banquier sur lesquels pèsent des contraintes liées principalement à la précarité pour l’un et à l’objectif de rentabilité de l’opération pour l’autre. Apporter des réponses au phénomène d’exclusion bancaire revient donc à tenter de résoudre une équation classique mais des plus délicates : comment satisfaire pour tous un besoin social dans le cadre d’une relation commerciale ?

L’une des réponses possibles est de contourner le problème et de tenter d’atténuer le rôle social des produits bancaires. Développer des systèmes de protection plus efficaces et solidaires contre les risques de l’existence est effectivement une alternative indispensable au recours au crédit en cas de licenciement ou aux placements boursiers pour prévoir sa retraite. Toutefois, cela ne suffirait pas à répondre au défi de l’exclusion bancaire. Dans la mesure où la financiarisation s’est extrêmement intensifiée et étendue, les produits bancaires se trouvent quoi qu’il arrive au cœur de la vie de chacun. Disposer d’un accès approprié est donc une nécessité pour mener une vie sociale normale et faire face aux aléas normaux de la vie y compris ceux positifs (financement des études supérieurs, naissance, achat immobilier, etc.). Il est alors impossible de lutter contre l’exclusion bancaire sans s’interroger sur les moyens de favoriser la qualité de la prestation de services bancaires.

Les deux chapitres précédents ont montré que cette qualité était mise en cause simultanément par le faible espace laissé à la possibilité du copilotage et par les caractéristiques des dispositifs techniques mis en place par les établissements de crédit pour se protéger du risque et maintenir la rentabilité des relations établies. Ils ont de plus souligné que les difficultés bancaires s’expliquaient non seulement par les caractéristiques de la prestation qui se révélaient inadaptées aux besoins de clients aux revenus faibles et/ou irréguliers d’une part, et induisaient des pratiques bancaires inappropriées de la part de ces clients d’autre part. Tout l’enjeu est alors de trouver les réponses économiquement soutenables qui favorisent un copilotage de qualité c'est-à-dire qui préviennent simultanément les difficultés bancaires d’usage et celles d’accès. C’est l’objectif de ce dernier chapitre.

Pour y parvenir, il est tout d’abord nécessaire d’analyser avec notre grille de lecture les réponses qui ont déjà été apportées aux difficultés bancaires au sein du secteur bancaire français afin d’en comprendre les forces et les faiblesses (section 1). Ceci fait, il est possible de mettre en perspective les solutions généralement préconisées – comme l’instauration d’un fichier positif ou la remise en cause du taux de l’usure – qui ont en commun la volonté de résoudre les imperfections du fonctionnement du « marché bancaire » (section 2). Mais ce qui est utile et rationnel du point de vue du fonctionnement d’un marché particulier, ne l’est pas nécessairement du point de vue de la société considérée comme un tout. L’exclusion bancaire étant une « pathologie » sociale, il est indispensable d’élargir le spectre de la réflexion. Pour dépasser les limites de ces réponses, deux voies complémentaires sont explorées. La première consiste à mettre à jour les alternatives existantes à la prestation de services bancaires standardisées dont l’intérêt est suffisant pour penser qu’elles puissent modifier les pratiques de droit commun en améliorant la qualité du copilotage. La seconde porte sur les évolutions du cadre de régulation qui permettrait d’une part à ces alternatives de se développer et d’autre part de faire des pratiques favorisant l’inclusion bancaire et non l’exclusion bancaire, des pratiques commercialement soutenables (section 3).