A. Le droit au compte et le service bancaire de base

Instauré par la loi bancaire de 1984333, le droit au compte pêchait originellement par l’absence de prise en compte des services l’accompagnant. En 1992, l’Association Française des Banques (AFB, aujourd’hui Fédération Bancaire Française (FBF)) adopta la Charte des services bancaires de base par laquelle les banques volontaires s’engageaient à fournir des services de manière adaptée aux bénéficiaires du droit au compte. Face aux difficultés rencontrées pour accéder au droit au compte et devant l’inefficacité de la Charte des services bancaires de base, la loi de lutte contre les exclusions de 1998334 modifia la procédure d’accès335 et instaura un service bancaire de base qui fut défini par décret en 2001336. Il fut complété par un décret de 2006 incluant de manière obligatoire une carte de paiement à autorisation systématique337.

Encadré 39 : Contenu du Service bancaire de base (août 2008)
Le service bancaire de base comprend :
- L'ouverture, la tenue et la clôture du compte ;
- Un changement d'adresse par an ;
- La délivrance à la demande de relevés d'identité bancaire ;
- La domiciliation de virements bancaires ;
- L'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte ;
- La réalisation des opérations de caisse ;
- L'encaissement de chèques et de virements bancaires ;
- Les dépôts et les retraits d'espèces au guichet de l'organisme teneur de compte ;
- Les paiements par prélèvements, titre interbancaire de paiement ou virement bancaire ;
- Des moyens de consultation à distance du solde du compte ;
- Une carte de paiement dont chaque utilisation est autorisée par l'établissement de crédit qui l'a émise ;
- Deux formules de chèques de banque par mois ou moyens de paiements équivalents offrant les mêmes services.
Toute personne physique ou morale, domiciliée en France et ayant ouvert un compte en France selon la procédure de droit au compte peut bénéficier des services bancaires de base sans contrepartie contributive de sa part.

Les évolutions de la procédure de droit au compte sont symptomatiques de la difficulté qu’il y a à intervenir efficacement pour lutter contre l’exclusion bancaire en s’attaquant aux conséquences et non aux causes. En imposant un droit au compte, le législateur offre une réponse en apparence simple à une nécessité : disposer d’un compte. Cependant, il fait l’économie de l’implication des professionnels. Ces derniers ne sont en aucune manière incités à modifier leurs pratiques pour permettre un accès plus grand des clients qu’ils évitent (ou qui les évitent), ni même à faire la promotion de ce droit.

En dépit de son ambition, le droit au compte est largement resté une procédure confidentielle. Jusqu’en 1998 et la première modification apportée par la loi, la moyenne annuelle des ouvertures de compte par cette procédure est de l’ordre de 3 000 comptes. Ce chiffre est dérisoire au regard du nombre de personnes concernées. Si l’évolution apportée par la loi de 1998 a amélioré la situation, c’est seulement la crainte de se voir imposer un « service bancaire de base universel »338 soutenu par les associations de défense des consommateurs, qui a conduit les établissements de crédit à s’impliquer davantage. Ils se sont ainsi engagés dans le cadre du CCSF à mieux faire connaître le dispositif de droit au compte en 2004339 et à en faciliter la mise en œuvre (la banque ayant refusé l’ouverture d’un compte pouvant se substituer au demandeur pour activer ce droit) en 2006340.

Les effets des évolutions apportées par la loi de 1998 puis par l’engagement accru de la part des professionnels à partir de 2004 se sont traduits par un accroissement significatif du nombre d’ouverture de compte grâce à cette procédure.

Droit au compte
Droit au compte Nombre de comptes ouverts

Sources : Données 1995-2005 (Banque de France), 2006 (Fédération Bancaire Française).

Néanmoins, ces résultats doivent être considérés avec prudence. Tout d’abord, si l’on sait combien de personnes bénéficient du droit au compte, on ne sait pas combien en sortent en direction d’une relation bancaire normale leur donnant accès à une gamme de services plus étendue comme le découvert notamment. Ensuite, il y a entre cinq cent mille et un million de personnes qui ne disposent d’aucun compte bancaire selon le CCSF qui supervise les deux plans d’action (CCSF, 2006, p. 14). Dès lors, le nombre de procédures de droit au compte annuel est loin de permettre de lutter contre ce phénomène. Enfin, dans la mesure où l’accroissement récent résulte seulement de la plus forte implication des professionnels depuis 2004, il importe de souligner qu’ils ne font là que respecter la loi… vingt ans après sa première adoption.

Lutter contre les conséquences des difficultés d’accès en « forçant » l’accès aux produits jugés socialement indispensables que ce soit par la loi (procédure de droit au compte) ou par les engagements volontaires des professionnels (comme l’engagement de fournir des moyens de paiement alternatifs pour les personnes interdites de chéquier341), se heurte à l’absence d’implication des professionnels. Sans évaluations régulières et contraintes réelles (comme peuvent l’être des sanctions financières), ces mesures ont très peu d’effets concrets sur le terrain. Comment pourrait-il en être autrement alors même que ces mesures ne s’attaquent pas aux causes qui produisent ces difficultés d’accès ?

Notes
333.

Loi bancaire n° 84-46 du 24 janvier 1984.

334.

Article 137 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions.

335.

 Alors qu’il fallait précédemment trois lettres de refus de la part de banques pour pouvoir faire valoir le droit au compte auprès de la banque de France, leur nombre est ramené à une.

336.

Décret n° 2001-45 du 17 janvier 2001.

337.

Décret n° 2006-384 du 27 mars 2006.

338.

 Un service bancaire de base universel obligerait les banques à disposer au sein de leur offre de droit commun d’un package bancaire de base incluant un compte et différents services auxquels elles ne pourraient refuser l’accès aux clients qui le demanderaient. Il s’agit là d’une réponse à l’exclusion bancaire beaucoup plus contraignante pour les professionnels que le droit au compte.

339.

Plan d’action du 9 novembre 2004 intitulé : « La banque plus facile pour tous ».

340.

Plan d’action du 30 janvier 2006 intitulé : « L’accès de tous aux services bancaires ».

341.

Plan d’action du 9 novembre 2004.