A. Réduire le coût du risque : la titrisation

À côté du coût lié à la prestation elle-même, s’en trouve un autre lié aux fonds propres que les établissements doivent provisionner dans le but de prévenir le risque systémique. Ces provisions correspondent à une fraction du risque anticipé (fonction du niveau de risque des clients, du type de produits auquel ils recourent et de l’encours) dont la règle de calcul correspond au ratio Mc Donough issu des accords de Bâle II363. Dans ce cadre, bancariser des clients évalués par le prestataire comme étant à risque, produit non seulement un coût potentiel compte-tenu du type de consommation bancaire de ce client (par exemple, surconsommation des services de guichet) mais également en raison de ces réserves en fonds propres. C’est sur ce second aspect du coût de ces clients qu’il peut être possible d’agir.

Un moyen pour les prestataires de réduire le coût de telles relations est de ne pas conserver dans leur bilan ces éléments de risque : il leur faut les « titriser » (encadré 45). Ce système est largement mis en œuvre aux États-Unis en matière de crédit immobilier aux emprunteurs qualifiés de subprimes. La manœuvre consiste à transformer ces prêts hypothécaires en titres et à les vendre sur les marchés financiers. Le risque étant alors supporté par les investisseurs, les prestataires initiaux n’ont donc plus à provisionner des fonds pour une créance qui ne leur appartient plus.

Encadré 45 : La mécanique de la titrisation
Pour fonctionner, la conversion des crédits en titres financiers (Mortgage Backed Securities) suppose qu’ils soient initialement accordés selon les normes précises et standardisées. La standardisation permet d’une part de réduire les coûts d’octroi mais elle est également indispensable pour permettre une évaluation homogène du niveau de risque de chacun de ces crédits en dépit de l’hétérogénéité des prêteurs. Les méthodes de scoring permettent cette standardisation. Aux États-Unis, le gouvernement a mis en place les Government Sponsored Entreprises (GSE) ou agencies (les deux plus connues sont Freddie Mac et Fannie Mae) dont le rôle est précisément le contrôle de la standardisation et l’amélioration des normes et procédures d’évaluation du risque, le rachat de ces créances auprès des prêteurs et leur « titrisation ».

Le développement de l’accès au crédit immobilier de nombreux ménages à revenus faibles ou modérés (ménages subprimes) repose sur l’efficacité de ce procédé. C’est également en partie ce procédé qui explique la crise du marché des subprimes à partir de juillet 2007. Bien sûr, les modalités standardisées d’évaluation du risque induite par la titrisation ne sont pas la seule cause de cette crise : le retournement du marché de l’immobilier, la remontée des taux d’intérêt, le laxisme de certaines agences de notations et de nombreux intermédiaires de crédit, et plus généralement les carences de régulation et de supervision sont également des éléments déterminants. Néanmoins, il est indispensable de souligner qu’à la base des dysfonctionnements ayant provoqué cette crise se trouve une mauvaise évaluation du risque pour le prêteur (ou le détenteur de la créance en bout de chaîne) et pour l’emprunteur (les ménages ne pouvant plus rembourser perdent leur bien immobilier).

L’obligation de recourir à des méthodes d’évaluation du risque reposant exclusivement sur la consolidation pour satisfaire aux contraintes de standardisation, a eu deux effets aggravants. Le premier tient à la déresponsabilisation des prêteurs qui n’avaient qu’à s’en remettre à la validation par l’outil de scoring et n’assumaient pas le risque final en raison de la titrisation de ces prêts. Le second est un sentiment de scientificité qui accompagnait ces méthodes et leur donnait un caractère de quasi-infaillibilité. Les deux combinés conduisent à une prise de risque accrue favorisée par l’extraordinaire rentabilité de ces opérations et légitimée par la supposée qualité des méthodes mises en œuvre. Ces méthodes étaient d’ailleurs presque unanimement considérées comme la voie à suivre pour développer le crédit, ici immobilier, en direction des ménages qui en sont exclus car jugés trop risqués.

L’exemple du marché des subprimes illustre les risques inhérents à la prise en compte de l’activité bancaire, et plus particulièrement de l’activité de crédit, du seul point de vue de la consolidation. Il ne s’agit pas de dire que si ces prêts avaient été accordés par des banquiers exerçant leur expertise cette crise n’aurait pas existé, mais la combinaison de ces deux méthodes (consolidation et jugement) et la responsabilisation accrue des prêteurs en auraient limité l’ampleur.

Notes
363.

 Le ratio Mc Donough est le fruit de négociations entre professionnels au niveau international au sein du Comité de Bâle. En Europe, c’est la Commission Européenne qui se charge de faire appliquer les recommandations de l’accord Bâle II.