a. Les représentations sociales : un concept à l’articulation du social et du psychologique

Depuis les travaux princeps de Serge Moscovici (1961), le champ de l’étude des représentations sociales a connu un large développement. Si ce concept trouve ses origines dans les notions de représentations collectives et individuelles d’Emile Durkheim, il s’en différencie néanmoins, lors de sa fondation par Serge Moscovici, par la volonté de le situer à l’articulation des dimensions psychologique et sociale. Comme l’affirme Denise Jodelet :

‘« Les représentations sociales doivent être étudiées en articulant éléments affectifs, mentaux et sociaux et en intégrant à côté de la cognition, du langage et de la communication, la prise en compte des rapports sociaux qui affectent les représentations et la réalité matérielle, sociale et idéelle sur laquelle elles ont à intervenir. »(1989/1997, p. 58) ’

L’intérêt de ce concept réside dans l’espace heuristique qu’il ouvre pour la compréhension des interactions entre dynamiques individuelles (système cognitif, vie psychique) et dynamiques collectives (rapports sociaux, culture, histoire). Il permet donc d’analyser l’objet auquel nous nous intéressons en intégrant les aspects psychologiques, sociaux, culturels et historiques, étroitement intriqués dans l’univers de pensée des aidant-e-s.

Denise Jodelet le définit de la manière suivante : une représentation sociale est « une forme de savoir pratique reliant un sujet à un objet. (...) C'est une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social. » (1997, p. 53)7. En tant que représentations sociales spécifiques, les représentations professionnelles liées aux pratiques d’aide correspondent donc à l’ensemble des idées que les aidant-e-s se font de l’objet de leur pratique, de leur rôle vis-à-vis des personnes aidées, de ce qui se produit dans l’interaction avec ces dernières, mais aussi du contexte (institutionnel, sociétal) dans lequel l’interaction se déploie. Elles s’élaborent à partir de la construction et de la circulation sociales de significations, et en rapport avec l’expérience du sujet : « La représentation sociale est avec son objet dans un rapport de “symbolisation”, elle en tient lieu, et “d’interprétation”, elle lui confère des significations. Ces significations résultent d’une activité qui fait de la représentation une “construction” et une “expression” du sujet. » (p. 61). Les représentations sociales ne sont donc réductibles ni aux déterminismes sociaux, ni au point de vue subjectif : ces « systèmes d’interprétation » ne se “manifestent”8 que par la communication mise en œuvre par un sujet, et sont donc l’expression de son activité d’interprétation du monde, activité qui s’appuie sur la culture et qui est orientée par les cadres sociaux qu’elle fournit.

Notes
7.

Dans le Grand dictionnaire de la psychologie, Denise Jodelet propose la définition formelle suivante : « Représentation sociale : Forme de connaissance courante, dite « de sens commun », caractérisée par les propriétés suivantes :

1. elle est socialement élaborée et partagée ;

2. elle a une visée pratique d’organisation, de maîtrise de l’environnement (matériel, social, idéel) et d’orientation des conduites et communications ;

3. elle concourt à l’établissement d’une vision de la réalité commune à un ensemble social (groupe, classe, etc.) ou culturel donné. » (1991, p. 668)

8.

Nous mettons ce terme entre guillemets, car nous ne voulons pas traduire par là l’idée que les représentations sociales existeraient indépendamment des actes de communication (langagière, mais aussi visuelle, etc.) qui les portent. Nous ne concevons pas les représentations sociales comme un “monde des idées” se traduisant dans la communication. Dans cette perspective, c’est le langage qui porte les représentations sociales, et non les représentations sociales qui portent le langage.