a. Fondements de l’humanisme

La figure de “L’Homme”

De manière comparable au temps qui s’est écoulé entre les prémisses de l’éthique de la charité et sa reprise par le christianisme, les prémisses de l’humanisme, posées pendant la période de la Renaissance, puis développées au XVIIIe siècle, ne connaîtront leur réalisation sociale que petit à petit, pour atteindre leur apogée dans les XIXe et XXe siècles. La Modernité est issue du courant humaniste, qui aboutira selon Michel Foucault à l’avènement de la catégorie de “l’Homme”.

‘« Mais il n’y avait pas [à l’âge classique] de conscience épistémologique de l’homme comme tel. L’épistémè classique s’articule selon des lignes qui n’isolent en aucune manière un domaine propre et spécifique de l’homme. » (1966, p. 320)’

La préoccupation pour “l’humain” – dont participe largement le travail social du XXe siècle, champ de pratiques intimement articulé aux sciences humaines – issue l’épistémè humaniste correspond, pour Michel Foucault, au fait que la figure de “l’Homme” vienne, d’une certaine manière, prendre la place de celle de Dieu, comme fin de toutes choses.

‘« Par elle [la question : qu’est-ce que l’homme ?], une réflexion de niveau mixte s’est constituée qui caractérise la philosophie moderne. Le souci qu’elle a de l’homme et qu’elle revendique non seulement dans ses discours mais dans son pathos, le soin avec lequel elle tente de le définir comme être vivant, individu au travail ou être parlant, ne signalent que pour les belles âmes l’année enfin revenue d’un règne humain ; en fait, il s’agit, et c’est plus prosaïque et c’est moins moral, d’un redoublement empirico-critique par lequel on essaie de faire valoir l’homme de la nature, de l’échange, ou du discours comme le fondement de sa propre finitude. » (p. 352)’

Mais nous anticipons, car avant d’aborder les critiques dont fait l’objet l’humanisme à l’orée de ce que l’on peut appeler l’hypermodernité, il nous faut présenter les composantes de cette pensée, afin de voir ultérieurement quelles en sont les traces dans les représentations actuelles de l’aide à autrui.

Ayant visité “l’exposition virtuelle” de la Bibliothèque Nationale de France intitulée Lumières ! Un héritage pour demain, nous avons trouvé que celle-ci constituait une bonne synthèse d’un courant de pensée qui a profondément marqué notre culture. Ainsi, nous nous appuierons, entre autres apports, sur des extraits de ce dossier, rédigés par Tzvetan Todorov et Pierre-Henri Tavoillot. Selon T. Todorov :

‘« Les Lumières sont une époque d'aboutissement, de récapitulation, de synthèse – et non d'innovation radicale. Les grandes idées des Lumières ne trouvent pas leur origine à cette époque ; quand elles ne viennent pas de l'Antiquité, elles portent les traces du haut Moyen Âge, de la Renaissance, de l'époque classique. Les Lumières absorbent et articulent des opinions qui dans le passé se combattaient. (…) Trois idées se trouvent à la base de cet esprit, tissé par leurs innombrables conséquences : celle d' autonomie , celle de finalité humaine de nos actes, celle enfin d' universalité . » (2006, L’esprit des Lumières, [5])’

Nous allons donc développer ces trois aspects : celui de l’autonomie, qui correspond dans le champ de la morale au fait de se détacher du dogmatisme de l’Eglise pour parvenir à des principes laïques ; celui de la finalité humaine des actes, qui se traduit par une réflexion sur les notions d’intérêt et de sentiment ; et celui de l’universalité, qui renvoie à un questionnement sur la “nature humaine”, perçue comme perfectible – via l’éducation.