b. Une triangulation méthodologique dans l’analyse des données

Le langage peut s’étudier à de multiples niveaux : la complexité, la richesse d’un discours en font un objet d’étude dont les potentialités d’exploration tendent à l’infini… Les nombreuses méthodes d’analyse de données langagières, ne serait-ce qu’en se limitant à celles existant dans le champ de la psychologie, sont autant de manières d’aborder les productions discursives et témoignent de ces multiples possibilités de lecture : certaines visent une investigation du contenu explicite, d’autres du contenu latent, certaines se centrent sur la forme du discours, d’autres sur le contenu, certaines permettent de quantifier les formes lexicales, d’autres de repérer les fils conducteurs du discours… Sans pour autant prétendre à une étude exhaustive des différents aspects du discours que nous avons recueilli (une vie n’y suffirait sans doute pas !), nous avons souhaité éclairer notre corpus sous différents jours : les discours de praticien-ne-s de l’aide à autrui que nous avons retranscrits comportent plusieurs dimensions et il est important pour nous, si nous ne pouvons toutes les prendre en compte, de croiser différentes perspectives afin d’en cerner si possible, en filant la métaphore géométrique, la hauteur, la largeur, la profondeur et… la temporalité !

La triangulation méthodologique se constitue donc dans ce travail par l’usage de différentes méthodes d’analyse du discours recueilli : les entretiens font l’objet d’une analyse de contenu thématique et qualitative, et d’un traitement par le logiciel Alceste. Thémis Apostolidis souligne la pertinence d’un tel dispositif pour l’étude des représentations mobilisées par les acteurs sociaux :

‘« Etudier, comme le suggérait Moscovici, la connaissance que les individus possèdent au sujet d’un objet et la manière dont celle-ci est organisée et utilisée par les individus et les groupes, implique la perspective incontournable de la pluri-méthodologie. » (2003, p. 14)’

Nous avons préféré croiser de multiples modalités d’analyse, pour le même “matériau” – à savoir les verbalisations produites dans le cadre des entretiens semi-directifs, qui se sont avérées très riches d’information, sur le plan de leurs contenus, comme sur le plan de leur structuration – plutôt que de mettre en œuvre une autre méthode de recueil de données, comme nous l’avions envisagé à un moment : avant d’initier un tâche associative comme source complémentaire d’information, nous avons souhaité étudier en profondeur les entretiens réalisés, et finalement, cette exploration s’est avérée constituer un ensemble d’observations au sujet desquelles il y avait largement matière à réflexion. Nous avons donc opté pour une analyse visant davantage la compréhension de l’intrication subtile des dimensions socio-culturelle et subjective, que la généralisation des résultats.

C’est pourquoi nous avons mis en œuvre, dans une triangulation méthodologique qui soutient en premier lieu l’enrichissement de la lecture des données, diverses méthodes d’analyse des entretiens :

  • une analyse de contenu, en premier lieu, selon plusieurs modalités : « logico-sémantique » et « sémantique et structurale » (Mucchielli, cité par Blanchet, 1991), analyse de l’énonciation.
    • une analyse de contenu de type logico-sémantique, via la méthodologie de l’analyse thématique – qui donne à la fois une vision d’ensemble exhaustive sur le corpus et une connaissance précise de son contenu explicite ;
    • une analyse de contenu de type sémantique et structurale, via l’observation des relations logiques au sein du discours ;
    • une analyse de l’énonciation (D’Urung, 1974).
  • un traitement des données par le logiciel Alceste, mettant à jour les mondes lexicaux repérables dans le corpus des propos des aidant-e-s rencontré-e-s, ensuite.

Nous décrirons dans un premier temps la méthode adoptée pour l’analyse thématique, puis celle pour l’analyse de l’énonciation et de type sémantique et structurale, et enfin présenterons le logiciel Alceste et les procédures qu’il met en œuvre, afin de rendre les résultats obtenus par cette méthode compréhensibles.