A) Déroulement de l’investigation 

I. Contexte du recueil et participant-e-s

a. Le contexte givordin

La première phase d’investigation s’est déroulée sur la commune de Givors, ville d’environ 20 000 habitant-e-s, située à une vingtaine de kilomètres au sud de Lyon, au bord du Rhône. Givors est une ville industrielle et se caractérise donc par une importante population ouvrière. Givors est “réputée” pour le grand nombre de travailleurs sociaux intervenant auprès de la population : cette spécificité givordine (ou en tout cas perçue comme telle) est apparue à plusieurs reprises dans les entretiens. De manière générale, la ville de Givors est le lieu d’une dynamique sociale particulièrement développée. En témoigne le fait que cette ville a été dans les premières à mettre en œuvre des dispositifs tels qu’un Conseil Local de Santé Mentale (CLSM), qui développe et formalise le partenariat entre acteurs du champ de la santé mentale et acteurs du champ social, médico-social, etc., ou encore celui d’un Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD). L’Instance Locale de Gérontologie est un troisième dispositif partenarial : il réunit les différentes structures qui interviennent auprès de la population âgée de Givors. Aussi existe-t-il un partenariat important entre les différentes structures et institutions oeuvrant dans le champ social, sanitaire... D’autre part, Givors est le lieu de nombreuses démarches de diagnostic et de recherche, qui témoignent de ce dynamisme local et viennent le renforcer.

Ces éléments sont à prendre en compte dans le regard porté sur les données que nous présenterons ultérieurement : la dynamique partenariale, qui génère beaucoup de rencontres, de réunions, de travail collectif, vient créer des lieux d’échange qui participent à une transmission, à une transformation et à une création de représentations professionnelles. C’est pourquoi ce contexte ne peut être négligé dans l’étude du discours que nous avons recueilli. Etant donné notre objet de recherche, qui vise à saisir les transformations actuelles des représentations de l’aide à autrui, ce contexte s’avère particulièrement pertinent pour observer l’évolution des représentations professionnelles à l’œuvre dans le champ social. Si le discours recueilli ne peut être considéré comme représentatif de l’ensemble du champ de l’intervention sociale, du moins vient-il témoigner de ce qui se produit dans ce laboratoire du champ social que constitue le terrain givordin. Ce contexte général étant décrit, nous allons préciser les modalités du déroulement des rencontres. Là encore, la narration ne peut être formulée qu’à la première personne.

Le terrain givordin ne m’était pas inconnu lorsque j’y suis arrivée pour cette phase exploratoire de recherche. En effet, j’avais eu l’occasion, deux ans auparavant, de mener une recherche sur cette même commune de Givors. Cette recherche, réalisée dans le cadre du DESS de Psychologie des Liens Sociaux et des Relations Interculturelles, portait sur la question du suicide des personnes âgées. J’ai abordé cette problématique sous l’angle des représentations sociales, et plus précisément des représentations des acteurs professionnels du secteur gérontologique : comment ceux-ci décrivaient-ils et comprenaient-ils ce phénomène ? Ceci m’avait amenée à rencontrer, pour des entretiens, différents acteurs professionnels et bénévoles de ce champ. Si cette première incursion sur les terres givordines m’a apporté une connaissance du contexte local, aucune des personnes interrogées dans le cadre de ma recherche actuelle n’avait été rencontrée précédemment. Aussi les effets de ma première investigation sont-ils minimes, du moins du côté des participant-e-s que j’ai interrogées. De mon côté, cette précédente recherche, bien que centrée sur un autre questionnement, a amorcé une réflexion sur le positionnement des intervenants sociaux : le profond sentiment de culpabilité qui émergeait dans les entretiens m’a amenée à m’interroger sur les modes d’implication et d’intervention de ces acteurs. Cette expérience n’est donc pas sans lien avec le choix de l’objet de recherche étudié ici. Elle a d’ailleurs fondé la rédaction d’un article (non publié) et une communication orale (Gonin, 2002) dans le cadre du GREPSY102, qui ont justifié l’équivalence de DEA que j’ai obtenue et qui m’ont permis d’initier ce doctorat en psychologie sociale.

Notes
102.

Association qui organise des conférences au sein de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu (69).