c. Rencontres d’intervenant-e-s du champ social et de l’insertion

Si 40 praticien-ne-s ont été rencontré-e-s pour un premier entretien dans le cadre des entretiens ciblés sur les axes de recherche liés à la démarche de recherche-action, tous les entretiens n’ont pas été reconduits pour une rencontre sur la question de l’aide à autrui : cette recherche concernant les intervenants du champ social et de l’insertion, seuls ceux et celles appartenant à ce champ ont été sollicité-e-s pour une seconde rencontre. Ainsi, neuf entretiens, centrés sur la question de l’aide à autrui, ont été enregistrés et retranscrits : ils constitue le corpus de notre phase exploratoire. Quatre ont été réalisés avec des assistantes de service social, dont trois travaillent au sein des Maisons du Département du Rhône (MDR), la dernière exerçant au sein d’un Centre Communal d’Action Social (CCAS, qui dépendent des Mairies). Cinq ont été conduits avec des praticien-ne-s pouvant être regroupés dans la catégorie des “nouvelles professions du social” : ils/elles occupent des postes de chargé-e-s de mission ou formateurs/trices. Ils/elles exercent pour la plupart dans le cadre d’associations loi 1901 (ALPES, PLIE, AJD), à l’exception de deux participantes : l’une travaille au sein d’une société d’économie mixte (SONACOTRA), l’autre au sein de la Mairie de Givors.

Les premiers entretiens, centrés sur la précarité et l’accès aux soins, réalisés avec ces participant-e-s n’ont pas fait l’objet des trois formes d’analyses (analyses de contenu et analyse Alceste) décrites précédemment : le travail d’analyse thématique, etc., aurait été trop considérable au regard de leur contenu indirectement lié à nos axes de recherche104. Nous nous sommes donc limitée à la lecture attentive de ces premiers entretiens et au pointage des passages qui nous semblaient intéressants pour notre problématique. Ces éléments sont venus nourrir notre réflexion mais ne sont pas intégrés aux résultats présentés ci-après, car les modalités de leur sélection est difficilement défendable sur le plan de la rigueur méthodologique. Ces premiers entretiens constituent donc un ensemble informatif plus large que celui de ces neuf reconductions d’entretiens (ils élargissent “l’expérience de terrain”), mais ne participent pas des données étudiées ici, dans le cadre d’une méthode rigoureusement établie. La participation aux premiers entretiens, centrés sur la démarche de recherche-action, peut ainsi être comprise comme une investigation complémentaire, moins formalisée, qui a nourri notre connaissance des conceptions mises en œuvre par les intervenant-e-s sociaux, en lien avec leur pratique professionnelle.

Nous saisissons l’occasion de cette explicitation de la fonction remplie par notre participation aux entretiens de recherches liés au dispositif de recherche-action pour dire que notre expérience professionnelle105 constitue également un arrière-plan informatif qui soutient notre connaissance des enjeux à l’œuvre dans le champ de l’intervention sociale. Ces différentes expériences professionnelles ayant amené à rencontrer des praticien-ne-s du champ social, médico-social et éducatif auraient pu être le lieu d’un recueil de données pour cette démarche de recherche, mais pour raisons déontologiques (avoir une place identifiable) et méthodologiques (disposer d’un cadre spécifiquement construit au regard des enjeux de recherche), une distinction de ces espaces a paru préférable. Pour autant, les observations et analyses réalisées de cette autre place, celle de psychologue et d’intervenante psychosociale, contribuent à la compréhension du phénomène étudié dans le cadre de cette recherche.

C’est dans ce contexte que sont situés les neuf entretiens de recherche réalisés pour la phase exploratoire, et qui constituent les données analysées dans la seconde partie de ce chapitre. Ces entretiens ont été intégralement retranscrits, en prenant en compte les silences (indiqués par des points entre crochets dans la retranscription, où un point représente un silence d’environ une seconde), les erreurs de langage, les hésitations : l’exploration des dynamiques cognitives et affectives à l’œuvre dans les entretiens nécessite que de tels aspects soient rendus visibles dans la retranscription. D’autre part, l’écoute des enregistrements, à plusieurs reprises, permet de s’appuyer sur les intonations de la voix, le rythme de la parole (informations qui disparaissent lors de la retranscription), pour repérer les émotions liées à tel ou tel énoncé (colère, enthousiasme…). Ces écoutes multiples favorisent une interprétation bien ancrée dans le contenu des entretiens. A présent, précisons les modalités de la conduite des entretiens.

Notes
104.

Ce contenu, quoique orienté sur les questions de précarité et d’accès aux soins, nous informe par moments sur les conceptions du rôle d’un-e aidant-e professionnalisé-e, mais cet abord indirect des questions qui nous occupent aurait été très complexe sur les plans théorique et méthodologique.

105.

Nous avons eu l’occasion de travailler avec différentes équipes d’intervenant-e-s sociales : en tant que collègue psychologue d’une équipe éducative d’un foyer ADAPEI, puis d’une équipe pluridisciplinaire d’un Centre d’Action Educative de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ; en tant qu’intervenante extérieure pour des groupes d’analyse de la pratique de deux équipes travaillant dans le champ de l’insertion ; en tant que coordinatrice d’une intervention psychosociale (démarche proche de la recherche-action, initiée en 2005 et toujours en cours ; Gonin & Amin, 2006 ; Gonin, 2008) menée avec des praticien-ne-s des champs social, socio-culturel et éducatif travaillant sur la commune de Saint Priest (69).