f. Le contexte au sein duquel l’aide prend place

Nous avons repéré trois niveaux dans le discours qui porte sur le contexte au sein duquel se déploient les pratiques des aidant-e-s interrogé-e-s, du plus spécifique au plus global : le contexte institutionnel, le contexte local (ville de Givors) et le contexte social (société française).

Propos tenus sur le contexte (Givors)
Propos tenus sur le contexte (Givors)

Dans le thème du contexte institutionnel, la majorité des participant-e-s décrivent succinctement le cadre institutionnel dans lequel s’inscrit leur pratique, c’est-à-dire la définition institutionnelle du statut qu’ils occupent et des conditions de leur intervention123. Ce cadre de travail est mentionné, la plupart du temps, avant de définir le rôle rempli dans le cadre de l’institution. Il est souvent présenté de manière très formelle.

‘« J'ai été embauchée sur un poste qu'on appelle dans les PLIE référent de parcours. Alors, des référents de parcours mènent des accompagnements avec un objectif emploi, en final, de personnes en grande difficulté. » (Mme SR.)’

Un autre point représentant un poids important est celui des évolutions de l’institution. Les trois participantes qui parlent longuement de ces aspects (104 occurrences à elles trois, pour un total de 144) appartiennent toutes trois au Conseil Général, institution étatique et dont les intervenantes interrogées ont connu les évolutions de par leur longue expérience professionnelle au sein de cette structure (entre 20 et 30 ans d’ancienneté). Ainsi, il est intéressant de constater que les trois participantes de l’échantillon qui appartiennent au Conseil Général du Rhône évoquent aussi longuement et analysent les évolutions qu’elle a connues : il semble y avoir là un aspect spécifique à cette institution, qui a évolué au gré des politiques sociales menées à un niveau national. Mais par ailleurs, ces praticiennes sont toutes trois caractérisées par leur formation en travail social, et par leur longue expérience professionnelle : ces résultats sont-ils principalement dus à leur formation, à leur âge, à leur ancienneté ou à leur appartenance au Conseil Général ?

Enfin, les propos tenus sur l’organisation institutionnelle sont très majoritairement des points de vue critiques qui stigmatisent la complexité, le manque de moyens ou les problèmes de fonctionnement de l’institution.

‘« Je veux dire par rapport aux dispositifs, tout est très complexe. (…) Je me rappelle d'un bouquin que j'avais lu, (…) ils parlaient déjà de ça, quoi, la complexité administrative en France. » (Mme MB.)’ ‘« Un référent, bon, est dans l'obligation de voir une fois par mois la personne, hein, et de la contacter par téléphone une fois par mois. Deux contacts par mois. Donc c'est absolument insuffisant. » (Mme SR.)’

Une certaine plainte vis-à-vis de l’institution est verbalisée, comme nous l’avions souligné à propos des vécus négatifs, mis en lumière dans le thème des vécus exprimés. On peut interpréter cette plainte de deux manières : d’une part, elle peut correspondre au fait que l’institution apporte un étayage insuffisant aux pratiques, voire que des problématiques institutionnelles mettent ses salariés en difficulté ; d’autre part, le cadre de l’institution peut être le lieu de projection des aspects difficiles du travail : la complexité, le sentiment d’impuissance vécus dans la pratique professionnelle peuvent alors être attribués au fonctionnement de l’institution, dans un mécanisme de défense qui permet de préserver une bonne image de soi, en tant que professionnel.

Le contexte local n’a pas un poids très important dans le discours : sept participant-e-s en parlent pour 59 occurrences seulement. Ainsi, ce contexte est évoqué mais ne fait pas l’objet d’une argumentation développée. Les intervenants sociaux interrogés développent davantage de réflexion sur leur contexte institutionnel : nous pouvons en déduire que ce dernier a plus d’impact sur leurs pratiques et leurs conditions de travail.

Le contexte social est un sujet qui, lui aussi, a une importance relativement faible dans le discours ; cependant, même si peu de participant-e-s parlent du contexte social (cinq participant-e-s sur neuf), le nombre d’occurrences est plus élevé que pour le contexte local. Ce sujet, quand il est abordé, donne donc lieu à une argumentation plus développée. Là encore, ce sont les trois participantes travaillant au Conseil Général du Rhône qui développent longuement ce thème du contexte social (78 occurrences pour un total de 83) : est-ce lié à leur formation (deux assistantes sociales et une conseillère en économie sociale et familiale), ou à une dynamique spécifique à cette équipe du C.G. de Givors ? Le fait qu’à Rillieux-la-Pape également, une réflexion sociologique, mi savante, mi “profane”, soit davantage développée par les praticien-ne-s formées au travail social tend à soutenir la première hypothèse explicative, comme nous le verrons ultérieurement.

D’autre part, le discours sur le contexte social n’est pas consensuel : quand cette dimension est abordée, les propos diffèrent selon les participant-e-s et on observe une grande variabilité dans les propos tenus. On n’observe donc pas de vision du monde partagée par les intervenants sociaux interrogés, ceux-ci déployant une vision assez singulière du contexte social dans lequel s’inscrit leur pratique.

Avec un total de 278 occurrences, le contexte prend une place importante dans le discours (deuxième catégorie la plus représentée), mais il est surtout largement développé par les trois participantes appartenant au Conseil Général du Rhône. L’importance de cette thématique n’est donc pas une tendance générale.

Nous allons à présent étudier les résultats obtenus par le traitement des entretiens avec le logiciel Alceste. Rejoignent-ils ceux que nous venons d’observer ? Arriverons nous à des conclusions identiques avec cette méthode d’analyse ? D’autre part, ces deux méthodes d’analyse sont deux modes d’approches différents des données langagières. Cette seconde méthode nous permettra d’enrichir la première lecture réalisée à l’aide de l’analyse de contenu, par les éléments complémentaires qu’elle permettra de mettre en lumière.

Notes
123.

Ces conditions sont en rapport avec des “critères sociaux” : l’intervention a lieu dans le cadre de l’attribution du RMI, ou bien elle concerne uniquement les familles avec enfants à charge, ou encore elle est au seul bénéfice des chômeurs de longue durée, etc.