b. L’importance du contexte de l’intervention

La différence observée entre ces deux groupes professionnels dans les modalités de description de leur activité est à relier aux missions respectives qui leur sont confiées : dans le cadre des dispositifs qui entourent le RMI, « le suivi socio-professionnel » est confié aux conseiller-e-s en insertion – il est axé sur l’objectif d’ « amener les personnes à l’emploi », tandis que « le suivi social » revient aux assistantes sociales du Conseil Général – quand il y a « des difficultés sociales à traiter ». Comme l’indique ce conseiller en insertion :

‘« Le RMI... Enfin les personnes du RMI sont orientées par le comité d'animation du Conseil Général qui euh... qui justement, au vu du dossier, des instructeurs orientent soit sur un suivi socio-pro, soit sur un social. Par contre, et c'est là où on a le diagnostic aussi avec les bénéficiaires, parce que... les fiches elles sont pas trop détaillées. Parce que tout le monde veut travailler, en gros. Et euh... Et c'est là où on fait un diagnostic au préalable pour voir si justement... La personne je vais la suivre dans le cadre de son parcours professionnel. Si je vois qu'il a trop de difficultés euh... Je l'accepte... J'en parle lors d'une instance, et je leur dis : voilà je le vois pas d'abord travailler. Il faut régler des problèmes autres. » (M. S.)’

Nous voyons donc que l’activité de diagnostic développée par les CI est en lien avec leur contexte d’intervention. L’enjeu qui se situe en arrière-plan de l’activité des CI est celui du financement : les associations du champ de l’insertion sont des structures “précaires” en ce qu’elles dépendent de l’attribution (ou non) de financements, des bilans étant transmis chaque année aux financeurs qui évaluent par ailleurs régulièrement l’activité de ces associations. Ces aspects sont largement développés dans l’extrait d’entretien suivant :

« INT. : Les financeurs, c'est principalement le Conseil Général c'est ça ?
Mme O. : alors on a le Conseil Général, le Conseil Régional donc on joue avec leurs flu... Leur fluctuance, de façon à ce que... Cette année on sait pas à quelle sauce on va être mangé parce qu'il y a des enjeux politiques. Et en fait c'est ça aussi qui est vachement intéressant, c'est que... Connaissant nos financeurs, l'Etat, le Conseil Régional, le Conseil Général, la Direction Départementale du Travail, c'est lié à la politique. Donc en fait il faut quand même avoir un petit oeil aussi sur la globalité de fonctionnement...
INT. : les élections...
Mme O. : tout à fait. Parce qu'en fait y'a des stratégies, des enjeux derrière. Ça c'est plus notre directeur qui maîtrise ça, mais... pas nous. Ça peut être un côté sur lequel on se penche. On a la DDASS, on a l'Europe, le FSE euh... Voilà.
INT. : et vos... Vos interlocuteurs directs?
Mme O. : euh...
INT. : c'est principalement le Conseil Général, c'est ça, [auquel vous rendez les bilans, les évaluations... C'est... le Conseil Général ?
Mme O. : [ouais. Ouais. Ouais. En grosse majorité. Ouais. Sachant que là aussi, il faut avoir cette capacité d'adaptation de saisir ce qu'est le Conseil Général, ce qu'est l'Europe, sachant que le Conseil Général n'a pas la même exigence que l'Europe. Ça veut dire… C'est aussi important de mesurer les enjeux de nos partenaires financeurs parce que... Par exemple, un dossier, une action qui est financée par l'Europe, sera pas le même que celui financé par le Conseil Général. Y'a moins d'exigences. L'Europe, il faut un émargement à chaque visite, à chaque entretien etc. Le Conseil Général est un peu plus souple. Nous on l'a mis en place parce que c'est notre souci de qualité. Mais dans les faits, y'a moins. Donc c'est important aussi de mesurer tout ça, parce que ça a des conséquences. Ça veut dire qu'il faut qu'on soit vigilant sur notre dossier, dès qu’on voit quelqu'un, il faut qu'on fasse émarger la personne euh... Donc c'est un fonctionnement quand même global de notre poste, et qu'il faut... Et qu'on peut pas occulter. Parce que l'Europe, ils contrôlent tout, il faut tout garder, il faut penser à bien archiver nos conventions, là, en fin d'année il faut archiver nickel toute l'année 2006, sachant que en général, une fois par an on a un contrôle des services faits... euh... Des actions liées à l'Europe, donc par exemple dans le cadre du PLIE, vérification de services faits, ça veut dire que vous venez avec tous vos dossiers, ils en prennent 10 au hasard et ils ouvrent. [..] 137
INT. : mm. Examen... (rire)
Mme O. : tout à fait. Ils épluchent le placard... Il vient avec ses 15 classeurs, il épluche. La CIP 138 , elle a été… là, elle a été absente etc., les notes de frais sont épluchées euh... Parce qu'on déclare des notes de frais liées par action. Donc moi mes déplacements dans le cadre du PLIE sont notés, archivés, bien classés, etc.
INT. : Le contrôle il se fait sur les frais ?
Mme O. : Sur les frais pour la partie comptable, et pour la partie accompagnement CIP, on vient avec nos dossiers, ils en piochent 10 au hasard : qu'est-ce que vous pouvez me dire de cette personne ? Trois minutes. C'est quoi la progression, et là, son CV, pourquoi il est pas fait, c'est quoi la progression pédagogique, où elle en est, etc. On a trois minutes par dossier.
INT. : Ça se fait depuis combien de temps, ça ?
Mme O. : Ça se fait depuis... Alors surtout dans le cadre du PLIE, ça se fait depuis pratiquement plusieurs années, non ça se... Alors peut-être depuis 4, 5 ans. Peut-être plus particulièrement depuis 4, 5 ans. Mais en fait chaque année y'a des opérateurs qui sont... Qui sont contrôlés. Donc là c'est l'Europe, donc ça veut dire quand même... Que dans notre métier de CIP, au-delà de l'accompagnement qu'on peut... faire au bénéficiaire, il faut quand même qu'on ait... cette notion de toutes les pratiques, toutes les notes qu'on sort, les gens qu'on voit, il faut les mettre dedans. Les... les hiérarchiser dans le classement, remonter, mettre à chaque fois qu'on refait le CV, le joindre, pour qu'on puisse valider la progression. Alors avant le contrôle c'était du déclaratif, hein. Donc ben maintenant non. C'est-à-dire qu'on vient avec nos dossiers. Et euh... Pour l'avoir vécu l'année dernière...
INT. : C'est nouveau ça, le fait de venir avec vos dossiers ?
Mme O. : Ouais. Avant, y'a quelques années c'était... Vraiment sur du déclaratif et... Vraiment sur du remplissage de tableaux, etc., par contre, comme ils ont vu quand même qu'il y a pas mal... de sous dépensés, hein, mais c'est normal, hein, c'est des enjeux de milliards, hein, d'euros. Donc en fait ils descendent par structure. Et l'avoir vécu, c'est pas drôle. Et du coup euh... Enfin... Je pense qu'on peut pas... J'ai des collègues qui sont pas d'accord, mais... Moi je trouve que c'est super important parce que quand on subit ça, et ben on rit pas. Parce que on sait que si on se plante sur 10 dossiers, c'est peut-être 50 000 € de moins de subventions, c'est-à-dire c'est un poste. [...] Donc euh... Ben moi j'essaye de faire passer le message, quoi, c'est aussi... on travaille pour tout le monde. Et c'est la globalité de la structure quoi. Un poste de boulot qui part.
INT. : Mais à ce moment-là quand il y a ce contrôle... Tous les salariés de la structure sont...
Mme O. : Non, c'est la référente de l'action. C'est les référents de l'action qui y vont. Donc moi... On a été contrôlé sur l'action du PLIE de Rillieux, donc moi je... Je suis venue pour représenter. Il y avait C. en tant que directeur et comptable, et le président, pour tous les chiffres et les bilans comptables et moi j'étais là dans le cadre de l'accompagnement.
INT. : mm. D'accord.
Mme O. : donc après c'est chaque conseillère qui est responsable de sa propre convention. [..] Mais c'est quand même bien de rappeler qu'on est une équipe. Et que... C'est pour ça que au-delà de l'accompagnement y'a aussi ce souci de gestion administrative qu'il faut pas enlever. Et que cette vigilance de faire émarger, de... D'avoir des dossiers nickel qui se tiennent etc. Ça c'est important. Par exemple à l'évaluation, quand je suis... Même sans évaluation. Quand je reçois par exemple les partenaires du PLIE qui viennent pour faire un bilan, si j'ai pas ce logo (elle montre le logo de l'Europe), c'est noté. Parce que comme c'est financé par l'Europe... Il faut qu'on ait sur tous nos documents, dans tous nos bureaux, le logo de l'Europe. Financé par le Fonds Social Européen. Il faut que ça soit noté, visible de tout le monde. Ça c'est le truc bête, et n'empêche que c'est vachement conséquent, et c'est pour ça qu'il faut qu'on ait ce souci aussi de... Ben l'enjeu global de ce que ça représente, cet accompagnement. Et ça, si on a pas ça, et ben... Noté, hein. Moi, on me l'a ressorti. Oui, vous avez logo de l'Europe dans votre bureau mais... enfin dans le hall d'accueil de votre structure, mais pas dans votre bureau. Hein, donc c'est pour ça que là... Là j'ai changé de bureau, j'en ai partout, les logos de l'Europe partout !
INT. : (rire)
Mme O. : J'en viens à l'extrême, et quand la représentante du PLIE est venue : oh super ! Très bien ! L'Europe, le PLIE, comment c'est organisé, qui on est, très bien. Plus un. Ça coûte deux secondes de faire un tirage papier et de l'installer, mais n'empêche que ça joue. Et ça en fait ce... C'est ça qui est aussi euh... qui au-delà du poste d'accompagnement, c'est vraiment... C'est la globalité du poste. Qui est intéressant, et qui... Sur lequel on travaille. Alors moi peut-être un petit peu plus, mais heu... Que j'essaye de... de... Parce que mine de rien, c'est aussi notre... notre... notre poste de boulot qui se maintient. En conséquence extrême et dans la cascade la plus... la plus morbide possible, mais... Malgré tout, il faut pas qu'on oublie. Parce qu'on en est là aujourd'hui, hein. Je sais pas. Ouais, quelqu'un qui... 50 000 € de subventions en moins, bah ouais ça fait un demi poste. [..] »

Le témoignage de Mme O. permet de comprendre la raison pour laquelle ces enjeux financiers sont souvent très présents à l’esprit de ces praticien-ne-s. Si les personnes accompagnées ne trouvent pas de travail, ou une formation, elles ne rentrent pas dans la catégorie des « sorties positives », et les structures comme leurs intervenant-e-s devront se justifier si un faible taux de « sorties positives » est mesuré dans leurs bilans :

‘« Le fait que quand même l'objectif, pour toute personne c’est de les relancer dans l'emploi, après il faut quand même... Que la personne soit... très très loin de l'emploi ou assez proche de l'emploi, l'objectif c'est... quand même à terme le retour à l'emploi. [....] On a un bilan statistique quoi. Après c'est vrai que les difficultés... Euh... C'est comme les gens alcooliques, hein... Et c'est vrai qu'après, on a le bilan de fin d'année, avec les statistiques, ben oui, c'est vraiment quantitatif, hein, qui a trouvé un emploi, qui a trouvé une formation...» (Mme I., CI)’

Un bilan de fin d’année peu favorable au regard des critères déterminés par les financeurs (nombre de sorties positives trop faible) peut amener à remettre en cause l’action de l’association et/ou de ses employé-e-s. Ainsi, il est important pour les CI d’évaluer la probabilité qu’une personne donnée trouve un travail. Sachant qu’ils/elles ne peuvent “refuser” (réorienter) un trop grand nombre de personnes, on comprend que le « diagnostic », le repérage des « freins » à l’emploi est un enjeu majeur. D’une part, parce que les personnes « trop éloignées de l’emploi » doivent être réorientées sur les AS (pour ne pas avoir de mauvais chiffres), et d’autre part, parce que l’activité est orientée par ce travail de diagnostic. Ce second aspect nous est expliqué par Mme M. (CI) :

‘« Alors moi, ce que je cherche à repérer avant tout, c’est pourquoi ça peut bloquer par rapport à l’emploi, quel est le frein principal par rapport à l’emploi. Est-ce que… ça peut être que c’est une baisse d’estime de soi, est-ce que c’est un problème de l’inconnu, euh… une peur d’aller dans l’échec suite à un licenciement, donc peur de recréer encore un licenciement, euh… ou quelqu’un qui est pas du tout réaliste par rapport à la réalité de l’emploi. »’

D’une certaine manière, l’activité d’évaluation mise en œuvre par les CI est liée au fait que leurs pratiques soient elles-mêmes évaluées, mesurées. Chaque CI a des données statistiques sur la proportion de personnes, dans celles qu’il ou elle accompagne, dont « la sortie a été positive ». Le « taux de réussite » devient un critère sur lequel s’appuie une identité professionnelle positive :

‘« Alors vraiment euh… moi j’ai un taux de fin de mission… en RMI qui est de l’ordre de 48%, ça veut dire pratiquement une personne sur deux sort du RMI pour quelque raison que ce soit. J’ai aussi un taux… qui est pratiquement de 40% où il va à l’emploi. » (Mme E., CI)’ ‘« On a un taux de réussite, enfin moi j'ai un taux de réussite qui est important sur la ville de Rillieux euh... » (M. S., CI)’

Les résultats obtenus pour l’ensemble des propos consacrés au contexte d’exercice de la profession contribuent à montrer l’importance que prennent, pour les conseiller-e-s en insertion, les enjeux liés au financement des structures qui les emploient. Le discours rassemblé dans cette catégorie a été organisé selon trois thèmes : le contexte institutionnel, le contexte local et le contexte social.

Le contexte décrit par les intervenant-e-s (CI/AS, Rillieux-la-Pape)
Le contexte décrit par les intervenant-e-s (CI/AS, Rillieux-la-Pape)

En ce qui concerne le contexte institutionnel, on observe que les conseiller-e-s en insertion parlent davantage des dispositifs et du cadre institutionnel dans lequel s’inscrit leur activité. Le contexte local (partenariat et financeurs) fait également l’objet d’une verbalisation importante pour ce groupe de participant-e-s139. Ceci montre que ces enjeux sont beaucoup plus prégnants pour elles/eux. Ces résultats ne sont guère surprenants au vu des éléments que nous venons d’expliciter : si les assistant-e-s de service social travaillent, en CDI, au sein d’une institution dont la pérennité ne fait aucun doute, le champ de l’insertion se caractérise par sa précarité, à l’image du public vers lequel se tourne son action. Les financements alloués à ces associations, sur telle ou telle mission, s’attribuent à l’année et n’apparaissent jamais comme assurés. L’activité de ces structures dépend en grande partie des partenariats mis en place avec d’autres institutions (collectivités territoriales ou associations) : ceux-ci permettent qu’un public leur soit adressé, mais aussi d’avoir des « outils » de travail (information sur les emplois, orientation sur un chantier d’insertion, un bilan de compétence…). Le réseau est donc un enjeu majeur pour ces praticien-ne-s.

Ce contexte instable est sans doute la raison pour laquelle les CI sont également davantage préoccupé-e-s par le contexte social, celui-ci influençant leur devenir professionnel plus que celui des AS. Leur activité les met en “prise directe” avec le marché de l’emploi et le « monde de l’entreprise », sujet largement abordé dans la catégorie du contexte social et économique. Remarquons aussi au passage que, alors que les AS interrogées ont toutes eu un parcours professionnel “linéaire” (poste d’AS après leur formation, qu’elles ont toutes réalisée dans leur jeunesse), les CI ont souvent connu eux/elles-mêmes des périodes de chômage (seules deux CI ne mentionnent pas cette expérience dans leur parcours)…

Ces résultats ne se situent pas dans une continuité vis-à-vis de ceux obtenus à Givors, où les AS développaient au contraire davantage les aspects du contexte institutionnel et social. Ces observations semblent donc liés à une dynamique d’équipe locale. Le fait que les conseiller-e-s en insertion rencontré-e-s entre fin 2006 et début 2007 à Rillieux-la-Pape développent beaucoup plus qu’à Givors la question du financement de leur structure et du partenariat s’explique à notre sens par une “intensification” de ces enjeux dans l’intervalle de temps (4 ans environ) qui sépare nos deux phases d’investigation : de manière générale, la précarité de leur intervention apparaît comme beaucoup plus présente à l’esprit des CI. Les enjeux autour du financement, qui induisent d’une part une incertitude de la pérennité de leur action pour les intervenant-e-s et d’autre part la démarche d’évaluation des pratiques des structures d’insertion, sont fréquemment évoqués dans les entretiens. L’évaluation à la fois permanente et ponctuelle de leurs pratiques contribue à leur “rappeler” que leur activité dépend des financeurs auxquels elles et ils doivent rendre compte de leur travail.

Mmes P. et I. expriment très clairement ces aspects :

‘« Donc ça c'est le côté un peu négatif, puisqu'il y a rien de… d'inscrit dans la durée donc on fait, on défait et on refait en fonction des gouvernements successifs. Donc là on est en plein dedans, dans le grand questionnement, qu'est-ce qu'on va faire aujourd'hui, comment on va nous demander puisque c'est des directives et qu’on est obligé de s'y plier. Voilà, donc ça c'est le côté négatif par rapport à un métier où on pourrait être plus indépendant dans l'accompagnement. » (Mme P., CI)’ ‘« Il y a peut-être un côté un peu stressant aussi, d'avoir à fournir des résultats aussi, ce qui est demandé au niveau du Conseil Général ou autre, on demande des résultats positifs... (…) Le monde de l'insertion est assez... Assez précaire, ça peut changer du jour au lendemain. » (Mme I., CI)’

Il est important de préciser le contexte dans lequel se situent les propos tenus, car il éclaire beaucoup le sens que prennent ces propos ; il constitue l’arrière-plan sur lequel se dessinent les figures tracées dans le discours que nous étudions. L’appréhension de ce contexte nous semble primordiale pour comprendre ce qui est dit à propos de l’activité professionnelle, mais aussi de l’interaction entre aidant-e et aidé-e, comme nous l’étudierons ultérieurement. Pour résumer ses traits principaux, nous dirons le contexte d’intervention des conseiller-e-s en insertion est marqué par deux caractéristiques : la précarité des structures qui les emploie et, ainsi, potentiellement, de leur emploi, d’une part ; l’évaluation ponctuelle et permanente de leurs pratiques, d’autre part.

Le contexte de travail et les missions des AS et des CI sont donc distincts, même si, souvent, elles/ils rencontrent les mêmes personnes, leurs accompagnements respectifs pouvant être simultanés ou successifs. Un-e conseiller-e en insertion peut orienter une personne vers un-e assistant-e de service social, et réciproquement. Les champs de compétences des un-e-s et des autres sont, en théorie, bien délimités : les CI s’axent sur la question de l’emploi, et les AS sur les questions “sociales” (c’est-à-dire principalement les problèmes financiers, de logement, et les violences familiales). Mais en pratique, tou-te-s reçoivent les personnes, individuellement, en entretien, et évoquent avec eux la question du travail, de leur situation familiale, financière, de leurs conditions de vie. Et c’est là que l’écart supposé s’amoindrit, qu’une certaine communauté de pratiques s’instaure : dans cette interaction ayant comme médiation la parole, et où l’aidé-e se présente avec des « difficultés », des « problématiques » (en tout cas une demande, a minima celle d’avoir droit au RMI), et où l’aidant-e va tenter « d’apporter des solutions », de « cheminer avec la personne » (en tout cas tenter de remplir les missions qui incombent à son rôle et celles qu’il/elle se donne).

Ainsi, un profil-type commun de l’activité professionnelle se dessine dans les propos que nous avons recueillis. Après un premier temps de diagnostic et d’évaluation (185 occurrences, en tout, dans la description de l’activité), qui correspond au repérage de ce qui va faire l’objet du travail, trois principales activités sont mises en œuvre : le conseil ou apport d’informations (146 occ.), l’étayage (137 occ.) et l’orientation (128 occ.). Deux autres aspects du travail sont également consensuels, bien que moins prégnants : le soutien technique (aider à effectuer certaines actions, 79 occ.) et l’écoute (78 occ.). Ainsi, dans ce déclaratif, les principales modalités selon lesquelles se déploie la pratique, suite à l’évaluation, sont des compétences techniques où l’aidant-e met à disposition son savoir et ses compétences, des compétences relationnelles où l’aidant-e apporte un soutien et offre une écoute, des compétences sociales où l’aidant-e “fait jouer” la place sociale qu’il occupe (son réseau) pour guider l’aidé-e dans « son parcours ».

Notes
137.

Les points entre crochets indiquent un silence, et sa durée (un point pour une seconde environ), il n’y a donc ici pas de texte manquant, la citation étant d’un seul tenant (contrairement aux points de suspension entre parenthèses).

138.

Conseillère en Insertion Professionnelle

139.

Une participante – Mme O., en particulier, développe beaucoup ces aspects et le cadre institutionnel fait l’objet, à elle seule, de 63 occurrences. Si la généralisation à l’ensemble des CI ne peut être clairement établie pour ce sous-thème, la différence massive entre CI et AS pour le nombre d’occurrences concernant le partenariat et les financeurs n’est pas uniquement liée à cette participante.