Chapitre VII - Modèles d’aide à autrui professionnalisée dans la culture hypermoderne

Le logiciel Alceste, au travers des « mondes lexicaux » (Reinert, 2003) repérés par l’analyse, met en lumière autour de quels attracteurs se structure le discours :

‘« Cependant, parmi ces lieux convoqués dans le temps de l'énonciation, certains sont plus usuels, agissent comme des attracteurs sur les parcours de pensée. En cela, la statistique retrouve là tout son intérêt : c'est la redondance des traces lexicales qui permet de repérer les lieux les plus fréquentés. Un monde lexical est donc la trace statistique d'un tel lieu dans le vocabulaire, lieu plus habituellement " habité " par les énonciateurs. » ([8])’

Ce sont ces attracteurs, repérés comme « lieux usuels » de l’énonciation, qu’indiquent les formes représentatives des classes obtenues par le traitement que le logiciel opère sur les données. Ces formes mises en avant dans la description des classes, parce qu’elles en représentent des traits principaux et spécifiques à la fois, permettent de dessiner les modèles (au sens de motifs, pattern) qui contribuent à organiser le discours. En ce sens, cette approche des données constitue une vision complémentaire à celle de l’analyse thématique, telle que nous l’avons réalisée, car elle permet une lecture du corpus transversale aux catégories et thèmes repérables dans le discours.

La triangulation méthodologique ainsi opérée ouvre donc la possibilité d’étayer les observations faites via l’analyse thématique, mais aussi de les dépasser, parce que certaines thématiques isolées précédemment se trouvent associées dans une même classe. Une structure plus générale se dégage donc au travers des classes repérées dans le corpus, ce qui permet de mettre en lumière les modèles socioculturels à l’œuvre dans le discours que nous étudions, éclairage qui se nourrit de l’approche intensive du contenu des entretiens développée auparavant. Nous allons voir que les résultats obtenus à partir des données recueillies à Rillieux-la-Pape confirment et prolongent les observations réalisées au cours de la phase exploratoire, et apportent donc des éléments pour étayer les hypothèses formulées à l’issue du chapitre qui lui est consacré. Nous observerons qu’ici également, le discours s’organise autour de deux grands pôles : l’un s’inscrit dans une “perspective individuelle”, dans le sens où l’attention est portée sur la subjectivité et sur les liens que le sujet établit avec autrui, le rôle est alors plutôt envisagé sous l’angle de l’aide relationnelle ; l’autre correspond à une “perspective sociale”, où l’accent est mis sur l’inscription des aidé-e-s dans la société, le rôle se définissant alors davantage sur le modèle d’une aide technico-éducative. Nous pourrons affiner ces observations en étudiant l’organisation spécifique du discours pour chaque catégorie d’intervenant-e-s sociales, ce qui nous permettra de prolonger la comparaison initiée dans le chapitre précédent.

Nous présenterons donc tout d’abord les résultats obtenus pour l’ensemble du corpus des entretiens réalisés à Rillieux-la-Pape, puis observerons plus précisément les résultats des analyses spécifiques à chaque groupe de participant-e-s (CI/AS). Celles-ci permettent d’affiner l’observation, en étudiant séparément le discours tenu par les assistantes sociales et celui tenu par les conseiller-e-s en insertion.