b. La protection de l’enfance

Classe 3 de l’analyse Alceste des entretiens conduits à Rillieux-la-Pape
Classe 3 de l’analyse Alceste des entretiens conduits à Rillieux-la-Pape

Là aussi, ces formes caractéristiques s’interprètent aisément : les propos qui sont regroupés dans cette classe (3R, 12,4% du corpus pris en charge dans l’analyse) concernent en grande partie la mission de protection de l’enfance attribuée aux assistant-e-s de service social du Conseil Général. C’est pourquoi seules les AS contribuent à cette classe, dans les variables illustratives issues du calcul de Khi2, par le logiciel Alceste.

Cette activité, qui se met en œuvre suite à un « signalement », implique des visites à « domicile » pour évaluer si la situation, les « comportements » parentaux constituent un « danger » pour leurs enfants. L’analyse du logiciel met donc très bien en lumière les principales composantes de ce travail, dont Mme B. rapporte ici le déroulement, de manière générale :

‘« Après la fonction première c’est la protection de l’enfance… Donc euh on peut être amené euh… à aussi faire des rapports euh soit euh… par rapport à l’évaluation qu’on a pu faire connaissant la famille, en se disant il y a un risque de danger pour l’enfant. Soit parce qu’on a eu un signalement aussi bien du numéro vert 119 enfance maltraitée, soit une demande d’évaluation du parquet des mineurs, donc ça fait aussi partie de notre… enfin c’est notre mission première la protection de l’enfance, et c’est vrai que… En gros euh… on nous demande une évaluation, enfin faut pas tarder si vraiment il y a des choses avérées dans l’évaluation, on va y aller euh… dans les quarante-huit heures… Et sinon enfin on va essayer de rencontrer la famille ou si on la connaît déjà, du coup, de reprendre contact et de la rencontrer aussi. Et après du coup euh… de faire un rapport écrit à la personne qui nous a sollicité. » (Mme B., AS)’

Cette « mission première » est néanmoins abordée plus de 20 minutes après que la question l’invitant à définir son rôle ait été posée… De manière générale, les AS rencontrées décrivent cet aspect de leur mission comme un rôle “à part”, différant de leurs pratiques quotidiennes, habituelles.

‘« On intervient en général à la demande des personnes, donc c’est les personnes qui elles-mêmes sollicitent une… sollicitent notre aide. Après sur certaines missions particulières, par exemple dans le cadre d'une expulsion, d'une procédure d’expulsion de logement, dans ce cas là nous on fait une mise à disposition heu... c’est pas à la demande des gens, donc nous on se met à disposition, mais dans tous les cas, nous on intervient à la demande des gens et avec leur collaboration. C'est-à-dire que même si on a... Une mission bien précise, notamment par exemple la prévention des expulsions, ou tout ce qui est par rapport à la protection de l'enfance, nous... Enfin on intervient qu'avec l'accord des gens. » (Mme Bb., AS)’

Ainsi, c’est la spécificité de cette mission, où l’activité de contrôle est centrale et explicite, qui génère une verbalisation tout autre. La faible part qu’elle prend dans l’activité explique le faible poids de cette classe, mais le fait que cette mission soit difficile à assumer, et ne donne pas une identité professionnelle positive, y joue également un rôle :

‘« Euh… quand on débarque tels des cow-boys chez les gens… moi ça m’est arrivé une fois vraiment d’arriver comme ça sans avoir prévenu, on est plutôt mal accueilli. (rire) Et ce qui est compréhensible, on arrive en disant voilà, c’est la PMI, c’est le service social de secteur, on vient parce qu’on a reçu une demande d’évaluation parce que vos enfants seraient peut-être en danger, voilà ça fait mal quoi euh… ben moi je pense que j’aimerais pas qu’on vienne chez moi comme ça. » (Mme B.)’ ‘« Quand l'école nous signale, on leur dit vous commencez déjà par convoquer les gens et vous leur dites que vous nous avez prévenu. Parce que des fois, c'est particulièrement violent d'aller dans les familles. » (Mme H.)’

Les assistantes sociales ne voient donc pas les signalements arriver de gaîté de cœur, car elles savent d’expérience que ces situations ont de fortes chances d’être conflictuelles, de par l’intrusion dans l’espace familial qu’elles représentent, pour elles comme pour les familles.

Le fait que cette classe soit spécifique aux AS explique qu’elle apparaisse, dans le dendrogramme traduisant la proximité des classes, comme proche de la première classe (1R, qui, bien qu’hétéroclite du point de vue de son ancrage social, voit une grande contribution de ce groupe) : c’est le lexique spécifique à ce groupe professionnel qui rapproche sans doute ces deux mondes lexicaux.

Enfin, cette troisième classe (3R) a un contenu assez similaire à celui de la troisième classe givordine (3G) : les termes « enfant, fille, mère, famille » y sont communs, le terme de « logement » caractéristique de la troisième classe, à Givors, trouvant ici son équivalent avec les termes « domicile, maison ».