C) Synthèse

Dans cette partie consacrée aux enjeux à l’œuvre dans l’interaction entre aidant-e et aidé-e, nous avons tout d’abord exploré la question de la conflictualité interpersonnelle, ce qui nous a permis d’observer les différentes sources de conflit repérables dans les entretiens, et la manière dont il se joue sur la scène de l’interaction, ou pas. Ceci nous a amenée à formuler une interrogation qui semble traverser le discours des participant-e-s : dans quelles conditions la relation à l’autre peut-elle soutenir un processus d’émancipation, ou au contraire voir se développer une violence symbolique, une emprise, où l’intersubjectivité n’advient pas ? Les figures de l’irrecevable, de la manipulation et de la dérobade sont des scénarii où se narre l’échec (au moins partiel) du dialogue intersubjectif, même si la conflictualité n’y aboutit pas nécessairement – ce dont témoigne la figure de la crise créatrice. Les figures de l’apprivoisement et de la réparation nous indiquent à l’inverse que l’interaction aidant-e/aidé-e peut être un support au développement de la possibilité d’action des personnes qui font appel aux intervenant-e-s sociales.

Les processus identificatoires apparaissent alors comme jouant un rôle central dans ce versant étayant de l’interaction. L’espace intersubjectif peut s’ouvrir sur la base de l’identification, ou, au-delà de cette reconnaissance mutuelle, sur la base d’une alliance autour d’un projet communément investi, qui fonde un lien par médiation. En deçà de l’identification, les processus plus archaïques de projection et d’introjection, correspondant à un lien par incorporation, apparaissent comme menant à une souffrance professionnelle, s’ils ne peuvent évoluer en d’autres formes de lien.

C’est peut-être pour se défendre des affects pénibles dont le lien par incorporation favorise la contagion que peut se déployer, à l’inverse de ces processus identificatoires, un processus d’altération qui conduit à instaurer une coupure entre soi et l’autre. L’aidé-e est alors perçu-e comme différent-e, par nature, et l’empathie se voit inhibée pour donner libre cours à l’agressivité. Nous avons vu, à ce sujet, que des facteurs tels que la formation et l’organisation du travail peuvent intervenir sur le développement de processus identificatoires, ou au contraire d’altération.

Les observations réalisées dans ce dernier chapitre consacré aux données issues des entretiens menés à Rillieux-la-Pape nous ont permis de développer une compréhension de certains des processus à l’œuvre dans l’interaction, et sur laquelle va s’appuyer la discussion générale des résultats de notre investigation.