4. L’ère du numérique

Toutes les innovations technologiques concernant le traitement des sons utilisent, durant la plus grande partie du XXe siècle, la transcription des signaux par un procédé analogique, c’est-à-dire qu’elles captent le signal dans ses variations continues. La grande révolution de notre fin de siècle, c’est la transformation du signal analogique en signal numérique : cette transformation, nommée processus de numérisation, consiste à « mesurer l'amplitude du signal analogique source (quantification) à intervalles de temps réguliers (échantillonnage), la fréquence de cet échantillonnage devant être égale à au moins deux fois la fréquence maximale du spectre d'énergie du signal analogique.[…] Chaque mesure est ensuite exprimée sous la forme d'un nombre composé d'une suite de 1 et de 0, les éléments binaires ou bits (codage de source) »77 . Sans développer des explications techniques inutiles ici, nous pouvons cependant relever les grands bouleversements qu’a provoqués l’arrivée de cette nouvelle technologie dans le domaine de la musique.

En premier lieu, c’est de cette nouvelle technologie qu’est issu au début des années 80 le disque compact audio, qui supplante de manière définitive les disques vinyle. Les avantages du CD sont nombreux, notamment la qualité de restitution des signaux, la maniabilité et la solidité du support réputé inusable, ainsi que la grande capacité d’enregistrement, d’environ soixante-dix minutes.

Par ailleurs, ce procédé de numérisation, au fur et à mesure des progrès technologiques, et sous l’action des différentes industries concernées, fait converger les mondes de l'informatique, de l'audiovisuel, et même de la téléphonie, phénomène que les auteurs de Musique, le marketing m’a tuée ? nomment « la convergence » :

‘« […] l’industrie du disque s’est trouvée prise dans des stratégies dites de « convergence ». La convergence, c’est le rapprochement entre telecoms (on parle alors de "tuyaux": Internet, câble, téléphone) et médias (les contenus : films, musique). Ces stratégies sont un pari sur l’avenir : un avenir où l’essentiel de la musique serait téléchargé sur un ordinateur ou un téléphone portable, le support disque perdant de son importance. Surtout les maisons de disques pourraient s’autosuffire. De la source à l’auditeur, elles cumuleraient deux métiers aujourd’hui séparés : ceux de producteur et de diffuseur, grâce à la maîtrise des moyens de fabrication et de distribution de la musique, pour l’amener directement dans le panier de l’acheteur. »78

En effet, avec la naissance et la vulgarisation de l’Internet, la numérisation trouve des applications fort nombreuses dans la création de nouveaux types de données informatiques qui permettent entre autres, la création de fichiers son. Étant donnée l’évolution très rapide des innovations concernant l’ensemble de ces nouvelles technologies, et les enjeux économiques colossaux qu’elles engendrent, les industries liées à leurs exploitations s’appliquent à mettre en place des protocoles communs, et adoptent également des formats de fichiers, instaurant ainsi des normes au niveau international. Ainsi, on assiste aujourd'hui, concernant le domaine de la musique, au phénomène MP3. Ce format de fichier permet de compresser les données informatiques de manière à obtenir des fichiers son relativement légers, et donc téléchargeables assez facilement, tout en conservant une qualité de son stéréo relativement satisfaisante. C’est pourquoi, bien qu’il existe d’autres formats de fichiers son plus performants, tel que le WAV par exemple, le MP3 a été érigé en norme pour tous les appareils permettant de lire ou d’enregistrer numériquement de la musique (baladeurs, chaînes hifi, etc.). Par ailleurs, la musique peut également transiter par le téléphone via la technologie des téléphones portables, qui sont capables, à l’aube de notre IIIe millénaire, de lire de la musique préalablement téléchargée sur le réseau Internet.

Ainsi, depuis l’invention de l’imprimerie jusqu’au règne du numérique, les différentes innovations scientifiques et technologiques mentionnées ici, et les développements industriels qui en découlent, sont pour l’essentiel à l’origine de l’univers de la chanson d’aujourd’hui. Chacune de ses évolutions, selon des effets qui lui sont propres, et avec des répercussions inégales, participent à la construction de la chanson actuelle.

Notes
77.

Hardy, D. : « Télécommunications – la révolution numérique », article de l’ Encyclopedia Universalis.

78.

Casier, 2003 : 16.