III. Les pratiques d’écoute des auditeurs

Dès lors que faire de la chanson devient une activité pleinement professionnelle et artistique, réservée à ceux qui la pratiquenten tant que telle, se construisant ainsi un public, spécifiquement touché et intéressé par ce type de productions, la notion même d’auditeur prend toute sa pertinence. Par ailleurs, le développement des lieux de chanson, puis plus tard des salles consacrées aux concerts, ainsi que la vulgarisation progressive de la diffusion de la chanson enregistrée, par le biais du disque et des mass media, s’inscrit dans une évolution globale de nos sociétés, que Béaud décrit de la façon suivante :

‘« Au niveau le plus global, celui de l’équipement des ménages en bien durables destinés aux loisirs culturels et du volume des dépenses consacrées aux activités culturelles extra-domiciliaires, la consommation individuelle suit une progression proportionnelle à l’élévation du niveau de vie, au rajeunissement de la population, aux progrès de la scolarisation et à son allongement, au développement du secteur tertiaire et, partiellement, au développement de l’urbanisation, tous ces facteurs étant à l’évidence liés. »94

Ce nouvel environnement socio-économique permet à la chanson de prendre place dans l’ensemble des pratiques de consommation culturelle. En effet, alors que pendant très longtemps, la chanson n’était et ne pouvait être qu’un art de l’exécution directe, l’importance croissante de la musique enregistrée, et les changements d’usage qu’elle entraîne, impose petit à petit une division nouvelle, en chanson comme dans la musique en général, entre les pratiques d’écoute de la chanson enregistrée d’une part, et la chanson appréhendée en tant que spectacle vivant de l’autre. Par ailleurs, il est évident que les développements des matériels et des techniques, tout en facilitant grandement l’accès aux objets musicaux, en privilégie les usages individuels : les auditeurs deviennent des consommateurs à part entière de ces produits culturels, et gagnent dans ces pratiques une liberté individuelle nouvelle. Le corollaire de cette nouvelle donne, c’est que pour remplir une salle de spectacle, il faut dorénavant séduire un public, qui sera prêt à se déplacer et à payer pour y assister. Les pratiques qui en découlent sont éclairantes sur la nécessité pour la chanson de rétablir un lien direct avec son public. Dans ce contexte, pour les auditeurs de chansons, de nouvelles pratiques d’écoute et de consommation des chansons se développent. Nous dégagerons donc deux grands types : les pratiques d’écoute de la chanson enregistrée et les pratiques d’écoute de la chanson en tant que spectacle vivant.

Notes
94.

Béaud, 1973 :10.