1.2.L’écoute distraite

L’écoute distraite peut se définir comme une écoute active déconcentrée, c’est-à-dire qu’elle relève des mêmes paramètres que l’écoute active concernant l’intentionnalité d’écoute de l’auditeur, et donc l’enclenchement du processus d’écoute, mais qu’elle ne requière pas le même degré d’attention auditive, et donc qu’elle ne relève pas des mêmes objectifs quant à l’activité d’écoute même. Concernant les conditions mises en place par ce type d’écoute, on peut relever plusieurs points. Les lieux dans lesquelles cette écoute se pratique sont sensiblement les mêmes que pour l’écoute active, ils relèvent généralement de la sphère privée, dans la mesure où l’auditeur doit avoir la maîtrise du déclenchement du processus. Cependant, l’investissement dans le choix des objets musicaux peut être moindre, moins défini, et déterminé par une logique plus lâche. Selon le media choisi, le choix peut même se restreindre à l’élection d’une couleur sonore générale, plutôt qu’à la sélection d’objets spécifiques. Quant à la mise en condition physique et psychique de l’auditeur, elle se réduit ici à la concrétisation d’un désir d’écoute, non corrélé à une attention auditive extrême, requérant donc une disposition d’esprit minimum, mais permettant par ailleurs d’engager le corps dans des activités physiques autres.

Ce type d’écoute est sans doute le plus courant concernant les chansons. Elle correspond aux situations où l’auditeur enclenche le processus d’écoute, en l’inscrivant dans le déroulement d’une autre activité (écouter de la musique en voiture, mais aussi chez soi, dans son environnement de travail, etc., tout en se consacrant à autre chose). Cette pratique s’inscrit dans la vie quotidienne de l’auditeur, et relève de toutes les situations où ce dernier souhaite créer un environnement sonore qu’il sait apprécier, et qu’il choisit comme énergisant pour les différentes tâches qu’il a à accomplir. On retrouve dans cette pratique ce que Chion décrit comme étant le second usage social de la musique :

‘« Lla musique fonctionne] comme un courant d’énergie modulée produisant des sensations de variations agréables, et fournissant – deuxième usage – une stimulation : c’est la caféine sonore des radios musicales ou des musiques rythmées. Chacun a la sienne, en fonction de ses goûts et de son milieu socioculturel : Vivaldi, le jazz, le rock, les Préludes et Fugues de Bach, le bel canto… »97

Les supports privilégiés de ce type d’écoute sont les supports de musique enregistrée (disques, cassettes, ordinateur) ainsi que, dans une large mesure, les medias radiophoniques (voire télévisuels, pour les chaînes musicales). C’est en effet en grande partie ce type de pratique d’écoute que visent les multiples radios musicales FM, qui soignent leurs programmations en fonction des attentes d’un public qui souhaite être accompagné dans sa vie quotidienne par une ambiance sonore qu’il aura élue comme familière et énergisante.

Notes
97.

Chion, 1994 : 91.