2. Les initiatives de recherche

Annoncer un « état de la question » de la recherche concernant la chanson nous paraît quelque peu abusif, dans la mesure où, comme nous l’avons signalé en introduction, cet objet ne suscite guère d’intérêt scientifique. Dès lors, lorsque l’on entame une recherche le concernant, qui plus est une recherche sémiotique, la première difficulté à laquelle on achoppe, c’est de constituer une bibliographie susceptible de nourrir ladite recherche. En effet, force est de constater qu’il existe très peu de ressources. En conséquence, cet « état de la question » s’avère bien maigre.

Précisons en premier lieu que les nombreux ouvrages grand public, à caractère historique, sociologique ou économique, ne s’intéressent pas, ou très peu, à l’objet musical en propre, mais seulement à son entour : biographies de chanteur, discographies, études « socio-historiques » relativement à un courant particulier, une période spécifique, ou une thématique précise. Par conséquent, ils ne présentent, la plupart du temps, que peu d’intérêt pour une recherche comme la nôtre.

Par ailleurs, les travaux s’inscrivant dans un cadre théorique clairement sémiotique sont quasi inexistants. À notre connaissance, la seule initiative dans le domaine est celle entreprise par l’école brésilienne de sémiotique constituée autour de Luiz Tatit114, sémioticien et musicien. Les contributions, qui traitent de la chanson brésilienne, sont intéressantes mais peu nombreuses, et la recherche entamée n’en est qu’à ses prémices.

De fait, la recherche la plus active impliquant la chanson émane des chercheurs de l’Observatoire Musical Français, autour du groupe de recherche cité en introduction « Jazz, Chanson et Musiques Populaires », ainsi que de l’équipe constituée autour de Christian Marcadet et de son séminaire intitulé « Histoire et théorie des chansons » 115Les deux équipes ont en commun d’intégrer à leurs problématiques les enjeux sociaux de cette expression artistique. Cependant les initiatives sont récentes, et n’ont encore donné lieu qu’à très peu de publications.116

Quelques autres initiatives isolées, comme les travaux de Joëlle Deniot, présentés sur ses sites Internet, ou l’ouvrage de Catherine Dutheil-Pessin, (les deux auteurs117, traitent de la chanson réaliste), sont intéressantes, dès lors qu’elles évoquent une dimension fondamentale des chansons, la voix. Cependant, l’on constate qu’il semble particulièrement difficile de produire un discours sur la chanson qui ne soit pas alimenté par des considérations externes à l’objet lui-même, et qui en conséquence, s’apparente globalement à un commentaire d’ordre sociologique.

En définitive, à l’heure actuelle, la recherche concernant cet objet « chanson » est manifestement bien maigre, et ne peut par conséquent offrir que très peu de pistes théoriques efficientes, plus particulièrement encore concernant notre discipline. Par ailleurs, et pour finir, nous signalons une constatation que nous avons faite lors de nos recherches bibliographiques. Certains ouvrages consultés, de musicologie par exemple, ou même concernant la voix et le chant, abordent des problématiques dans lesquelles la chanson pourrait tout à fait, nous semble-t-il, avoir droit de citer, et être prise en considération dans l’élaboration des problématiques et réflexions exposées. Or, force est de constater que cet objet n’accède que très difficilement à la légitimité scientifique, tant il apparaît que, pour nombre d’auteurs, la chanson, en tant qu’expression artistique musicale et vocale, n’existe tout simplement pas.

Notes
114.

Pour une explication des orientations de recherche de cette école, voir p. 111

115.

Séminaire intégré aux cursus universitaires des Écoles doctorales de Paris 1/Panthéon-Sorbonnne et Paris 4/Paris Sorbonne Université Paris.

116.

Voir bibliographie.

117.

Voir bibliographie.