2.2. La base de données « 20 ans de chansons actuelles »137

Voici la présentation que fait Le Hall de la base de données « 20 ans de chansons actuelles » :

‘« Retrouvez 20 ans de chansons actuelles à travers l'oeuvre musicale et le parcours de 50 artistes ou groupes (Alain Bashung, Noir Désir, Zebda, Dominique A, Yann Tiersen, Programme, Jean-Louis Murat, Les Wampas, Miossec, Arthur H, Sanseverino, Mickey 3D, Les Innocents, Les Ogres de Barback, Philippe Katerine, Dionysos, Paris Combo, Benjamin Biolay...). Et découvrez les différents genres musicaux que les 50 artistes abordent au gré de leur discographie, leurs affinités (enregistrement, composition, concerts), une biographie exhaustive, quatre ou cinq extraits musicaux, leurs photos, une discographiecomplète, un lien vers leur site internet, et leur parole sous forme d'interviews inédites réalisées par le Hall de la chanson. »’

L’interface proposée ensuite est interactive et mobile. Décrivons une des utilisations possibles de la base :

L’écran se divise en trois espaces : une colonne à gauche présente des catégories par genre musical, chaque genre musical correspondant à une couleur. À droite de cette colonne sont listés par ordre alphabétique les noms des artistes. Le troisième espace déploie dans le bas de la page les informations biographiques et discographiques correspondant aux artistes sélectionnés. Ainsi, l’internaute sélectionne un genre musical : les artistes dont des chansons correspondent à cette catégorie sont alors surlignés de la couleur du genre en question. L’internaute visualise alors l’ensemble des artistes dont les productions ont des affinités d’un point de vue musical. Il peut ensuite choisir un artiste, et la notice correspondante s’affiche en bas de l’écran.

Voici, en exemple, ce que l’on obtient à l’écran138, lorsque l’on pointe la souris sur la catégorie « électro », et que l’on sélectionne un des artistes surlignés, ici Etienne Daho :

S’affichent alors plusieurs types de renseignements :

D’autres renseignements sont disponibles, ailleurs sur la page, et selon le parcours que choisit l’internaute. Notre objectif n’est pas de décrire le fonctionnement de cette base de données, mais d’y trouver notre corpus, selon une logique que nous avons éprouvée précédemment, en observant les différentes acceptions génériques que peut recouvrer le terme « chanson ».

En effet, nous observons plusieurs points :

Nous avons contacté les auteurs de ce site pour obtenir des informations supplémentaires. Il semblerait que ces manques correspondent à plusieurs états de faits. Tout d’abord, ce travail de classement s’appuie, aux dires des auteurs, sur le même savoir encyclopédique partagé, permettant à chaque auditeur que nous sommes de reconnaître qu’une chanson se rattache à tel genre musical plutôt qu’à tel autre. L’approche reste totalement empirique, et ne s’appuie pas sur des travaux spécifiques concernant les genres musicaux auxquels on aurait confronté les chansons. Par ailleurs, lorsque les auteurs se sont trouvés confrontés à des difficultés pour classer les chansons, ils ont parfois demandé aux artistes concernés dans quelle catégorie ils classeraient telle ou telle chanson qu’ils ont créée. La réponse évidente des artistes : « c’est de la chanson, tout simplement ! » Ainsi, ces chansons qui sont « simplement de la chanson » se retrouvent dans la catégorie « chanson », de couleur jaune, qui apparaît dans le menu des genres musicaux, alors que les extraits présentés en blanc correspondent quant à eux à des chansons pour lesquelles les auteurs du site n’ont pas contacté les artistes.

Cette catégorie « chanson », étant donné le fonctionnement taxinomique de la base de données, résulte à l’évidence du même phénomène observé dans nos études précédentes, chez le distributeur, et dans le dictionnaire. On retrouve, dans les trois cas, cette classe de chansons, paradigmatiquement présentée comme un genre musical, et nommée simplement « chanson » pour Le Hall, « chanson francophone » pour le dictionnaire, et « variétés françaises » pour le distributeur, constituant par conséquent la catégorie que nous avons nous-même nommée « chanson chanson ».

Il apparaît évident que dans ce domaine, la chanson, les critères qui président à ces démarches de classement et de reconnaissance des objets restent fortement empiriques, et correspondent autant à des usages et pratiques des objets musicaux, qu’à des appréciations individuelles. Ils nous informent peu sur ce qu’est réellement une chanson, en matière d’objet artistique, de composition textuelle et musicale, mais ils entérinent l’existence d’une classe particulière de chansons, qui ne se rattachent pas à un genre musical précis. Pour ce qui est de notre travail de recherche, étant donné cet état de fait et les exigences que nous avons pour notre corpus, il nous semble pertinent d’une part, de choisir des chansons qui appartiennent à cette catégorie, d’autre part que l’ensemble des chansons ainsi classées dans cette catégorie soit construit par une autre subjectivité que la nôtre, subjectivité assumée par la structure dans laquelle elle s’exerce. C’est la raison pour laquelle, bien que nous ayons conscience de la part d’arbitraire qu’il puisse y avoir dans le fondement de la catégorie « chanson » de la base de données du Hall, nous avons décidé d’en faire notre corpus : les objets répondent effectivement à l’ensemble de nos exigences (contemporains, sans regroupement thématique, sans prédominance d’un genre musical) et leur regroupement dans cette classe « chanson » apparaît comme à la fois entièrement indépendant de l’expression de notre propre subjectivité, et consigné à l’intérieur d’une démarche à caractère officialisant.

Notes
137.

http://www.lehall.com/galerie/chansonsactuelles/index.html

138.

Capture d’écran de la page Internet obtenue.