Champs perceptifs

Selon la thèse de Schaeffer, l’oreille possèderait un champ perceptif naturel, dans lequel émergeraient et se situeraient selon les lois naturelles les objets sonores, leurs critères et leurs relations. Ce champ perceptif comporterait trois dimensions : celle des hauteurs, celle des durées, et celle des intensités. Ces trois dimensions reprennent les caractéristiques de tonie et de sonie que nous avons évoquées plus haut, auquel s’ajoute le critère de durée inhérent à l’existence du son. Fatus nomme ce champ perceptif l’« espace perceptif » :

‘« […] La notion d’espace perceptif permet d’interpréter tous les phénomènes sonores : on peut rendre compte des particularités de l’écoute selon la hauteur, le timbre et la présence des sons ou suivre la déformation perceptive quand une source sonore se déplace physiquement sur une trajectoire déterminée. L’impression globale intègre à la fois les modifications du champ physique (directivité et diffraction) et l’effet perceptif imputable à la perception auditive. Les études menées en psychologie expérimentale distinguent les aspects objectifs stables et les aspects subjectifs variables d’un individu à l’autre. […] »216

De fait, l’espace ou le champ perceptif, selon les auteurs, réfère à la dimension psycho-acoustique dans laquelle se déploie la perception du sonore et inclut des phénomènes qualitatifs et des phénomènes évolutifs. La distinction des trois champs proposée par Schaeffer a le mérite de conceptualiser l’ensemble des phénomènes et d’en proposer quelques « aspects objectifs stables » à travers les critères morphologiques qu’il reconnaît au sonore. Partant, nous retenons les définitions qu’il propose des différents champs :

‘« Tout ce que nous percevons l’est par rapport à notre propre échelle. Pour les sons, c’est la même chose : certains sons évoquent, même à fort niveau ou entendus de près, des sources de petite dimension. Il n’est pas nécessaire de pouvoir mettre un nom précis sur la cause pour avoir une évaluation de cette échelle ; en d’autres termes, on peut se faire une représentation de la puissance de la cause par rapport à nous sans avoir besoin de l’identifier, et cela quelle que soit l’intensité avec laquelle le son nous parvient. »218

Les propriétés examinées rapidement ici sont inhérentes à tout phénomène sonore perçu, qu’il soit musical ou non, articulé ou non, artificiel ou non. Dès lors, elles sont intrinsèques à la matérialité de notre objet et fondent son mode premier d’existence en tant qu’objet perçu par un sujet percevant. En sus de ces propriétés originelles, le son des chansons manifeste d’autres propriétés, liées au fait que l’objet est un discours musical, articulé, et construit partant un tout de signification.

Notes
216.

Fatus, 1994 : 61.

217.

Schaeffer, 1977 : 433.

218.

Chion, 2004 : 10.